Philippe Marzolf
Itinéraire
Après une carrière de commercial en marketing, j’ai suivi une formation à Strasbourg d’éco conseiller. Cela m’a conduit, en 1992, à participer à la création de l’association ORÉE (qui fédère et anime un réseau d'acteurs engagés pour une dynamique environnementale au service des territoires) puis je l’ai dirigée en tant que délégué général pendant 10 ans. J’y ai pratiqué la médiation entre nos adhérents c’est-à-dire entre des collectivités territoriales (Régions, villes), des d’associations d’environnement et de consommation (FNE, Orgeco …) et des grandes entreprises (L’Oréal, Proctet & Gamble, Yves Rocher, 3 Suisses…)
En 2001, j’ai rejoint le cabinet d’Yves Cochet, Ministre de l’environnement pour organiser le débat national sur les risques industriels suite à la catastrophe d’AZF de Toulouse. Après cette expérience, c’est assez naturellement que j’ai été désigné Vice-Président de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), quand elle évolue, en 2002, en autorité administrative indépendante (AAI). A cette époque, il y avait tout à construire au sein de la CNDP. Pour élaborer une méthode et des principes, nous nous sommes inspirés du Bureau d’audiences publiques sur l’Environnement (BAPE) au Québec (www.bape.gouv.qc.ca) qui existait depuis la fin des années 1970. Son domaine d’intervention est très large, il chapeaute toutes les concertations et débats publics et dispose de ressources plus importantes que celles de la CNDP.
La loi de 2002 relative à la démocratie de proximité a été votée à l’unanimité : par principe, personne ne s’oppose à une plus grande participation du public. Les premiers débats publics étaient porteurs d’espoir, puisqu’ils ont permis de modifier substantiellement les projets. Toutefois, les décideurs ont rapidement compris l’enjeu et ont resserré l’étau en saisissant la CNDP plus tardivement, afin de présenter des projets quasi-ficelés. Le maître d’ouvrage est, en effet, libre de saisir la CNDP au moment où il le souhaite. Selon moi, les débats publics n’ont pas lieu suffisamment en amont pour leur permettre de remplir pleinement leur objectif de débattre de « l’opportunité des projets quand tous les choix sont encore possibles » : cela doit être un point d’attention très fort. J’estime que dans le débat public de Bure – qui n’a finalement pas eu lieu-, la CNDP a, par exemple, servi de caution.
Au long de mes mandats, j’ai toujours cherché à faire évoluer la posture et l’état d’esprit des décideurs, qui doivent selon moi, avoir une volonté d’ouverture, d’écoute et de prise en compte d’autres avis. Si le maître d’ouvrage n’est pas prêt à modifier son projet, le débat est inutile et contre-productif, créant un sentiment de frustration et de défiance du public. Le débat public est un moment privilégié pour écouter le grand public et lui permettre de s’exprimer au même niveau que les autres acteurs , selon le principe d’équivalence.
Message
La participation doit intervenir le plus en amont possible. Cela commence par un diagnostic partagé avec les parties prenantes afin de lancer des études supplémentaires par le maître d’ouvrage ou des contre-expertises financées par un budget complémentaire. Il faudrait généraliser ce que l’on fait dans la période « post débat public » avec un comité de concertation qui décide du moment pertinent de lancement du début public et assure le suivi tout au long du projet. La démarche de concertation doit être adaptée au fur et à mesure qu’évolue le projet.
Je crains que la CNDP ne soit absorbée par le CESE, plus institutionnalisé, moins « poil à gratter » pour les décideurs. Si certains aspects restent encore à améliorer, il est primordial de conserver une autorité indépendante pour l’organisation de la participation du public. Il faut se battre pour cette indépendance et c’est aux jeunes de le faire aujourd’hui !