Karine Lancement

Itinéraire

J’ai baigné tout de suite dans l’approche participative dans le Nord-Pas-de-Calais, terre d’expérimentation avec les 1ers Fonds de Participation des Habitants et Conseils de développement, dans les années 1998. J’ai d’abord travaillé à Valenciennes dans le cadre du Schéma Local d'Intégration, à la réalisation d’un diagnostic de la situation des personnes d’origine étrangère et à la formulation de propositions. Très vite, j’ai décidé de mener une observation participante en les interrogeant sur leur parcours de vie : les difficultés vécues par les immigrés étaient le miroir grossissant de celles de toutes les personnes précaires. Mon poste s’est ainsi poursuivi par le pilotage du nouveau contrat de ville sur le Valenciennois.
Mon parcours continue en Rhône-Alpes avec l’accompagnement du 1er contrat de ville du Nord Isère en collaboration avec des élus peu initiés aux enjeux de participation et de politique de la ville. Nous avons pu expérimenter malgré cela divers dispositifs : diagnostics participatifs, instances avec des associations, programme de réussite éducative multi-acteurs, agenda 21 de quartier...
J’ai ensuite passé dix ans à la Mairie de Pessac en tant que chef de projet Agenda 21. Si je possédais peu de connaissances environnementales au départ, mes compétences en animation et ingénierie de projet m’ont permis d’animer cette démarche extrêmement riche. Nous nous appuyions sur des événements déjà existants et sur des partenaires culturels afin d’attirer de nouvelles personnes aux nombreux forums, festivals et agendas 21 citoyens. L’équipe municipale, très volontariste, a eu pour ambition de créer un Conseil local de développement durable conçu avec et par les habitants ; j’ai donc eu la chance d’animer pendant un an, sa préfiguration avec un panel d’habitants. J’ai alors expérimenté la posture de facilitation, qui a été transformatrice pour moi, par rapport à mes expériences passées.
En 2015, je rejoins, en tant que chef de projet participation citoyenne et transition, le Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement), établissement public de 2800 agents visant à appuyer les politiques publiques sur ces sujets. Grâce à un travail déjà engagé de sensibilisation et de formation des agents, commençait à se diffuser l’idée que les transitions ne pourront se faire qu’avec une transition démocratique. Je réalise des études sur des sujets passionnants (justice climatique, participation à large échelle, initiatives citoyennes de transition, bien-être...) j’accompagne les services de l’Etat et les collectivités sur la participation (cahier des charges, accompagnement de projets participatifs de transition, d’évaluation ou de prospective...) Ayant expérimenté plusieurs démarches participatives, je place l'humain, la gouvernance multi-acteurs et la participation de tous au cœur des projets et suis motivée par la transversalité et l'approche systémique des enjeux, personnes et territoires

Message

A travers toutes mes expériences professionnelles, axées politique de la ville ou développement durable, ma préoccupation a toujours été de veiller à associer ceux que l’on n’entend pas (les personnes vulnérables, la nature, les générations futures), à avoir une diversité des points de vue et renforcer le pouvoir d’agir de tous. Selon moi, l’utilité de la participation réside dans sa capacité à faire entendre la voix de ceux qui n’ont pas les moyens de se faire entendre par ailleurs.

Aujourd’hui les initiatives citoyennes spontanées gagnent en puissance et deviennent un mouvement de fond. Pour que ces initiatives ne se construisent pas contre les institutions, le défi est de réussir à écouter les talents citoyens existants et adopter une posture d’horizontalité et d’humilité. Pour les techniciens et les élus, ce passage d’une logique compétitive à coopérative relève tant d’une transformation individuelle que collective. Un renouveau des cultures existe déjà mais la généralisation est urgente. Comment casse-t-on les silos ? Comment renouvelle-t-on les postures, les méthodes de chacun pour réussir toutes les transitions en même temps ? En renforçant la participation, on développe l’approche transversale et systémique des projets et les habitants questionnent d’emblée leur pertinence et cohérence face aux multiples défis actuels.

Enfin, la participation est un processus qui doit être porteur de sens et de transformations : il ne faut pas confondre participation et sondage d’opinion et se méfier des outils miracles. L’exigence démocratique est telle que toute manipulation ou instrumentalisation augmente la défiance. Garantir la sincérité et l’authenticité des démarches, se donner du sens et du temps, s’engager dans un véritable continuum participatif deviennent essentiels pour encourager la citoyenneté active de chacun(e).

Pour renforcer notre résilience globale face aux crises écologiques, sociales et démocratiques en cours, il y a urgence à passer du « faire pour » au « faire avec tous », en généralisant les processus inclusifs d’intelligence collective, et en cultivant surtout notre « précieux facteur humain » pour co-construire ensemble de nouveaux communs.