Dans le cadre du chantier « ambitions pour la participation citoyenne pour 2026« , nous avions le plaisir de vous inviter au deuxième grand entretien avec Pascal Clouaire, le 13 janvier en distanciel.
Pascal Clouaire est vice-président de Grenoble Alpes Métropole, chargé de la culture, de l’éducation et de la participation citoyenne et commissaire de la Commission nationale du débat public (CNDP)
Vous pouvez également retrouver la version longue de l’entretien ici
Parcours et point de vue en tant que Vice-Président à la Participation citoyenne
Comment êtes-vous devenu VP à la participation citoyenne de Grenoble Alpes Métropole ?
J’ai grandi dans l’éducation populaire, entre les Ceméa, la Ligue de l’Enseignement et les Francas. J’y ai appris la solidarité, l’émancipation et la logique du « faire ensemble ».
L’éducation populaire, c’est décider collectivement de ce qu’on fait ensemble, et c’est très proche de la démocratie participative. Cela m’a profondément marqué et me ramène à ces questions de participation citoyenne, plus liées à l’émancipation de la personne qu’à la légitimité représentative, qui viendra plus tard.
Plus tard, j’ai participé à la campagne européenne avec Yannick Jadot en 2019. C’est de là que vient ma conscience politique, avant de m’impliquer davantage dans la politique locale, ce qui m’a amené à la mairie de Grenoble en 2014.
Quand j’ai été élu, la première chose qui m’a frappé, c’était de « porter une délibération ». Cela signifie que, comme élu, vous ne parlez pas pour vous-même, mais pour ceux que vous représentez. Vous êtes là pour porter leur voix, et non la vôtre.
Qu’est-ce qui vous rend fier en matière de participation citoyenne ? Et quel est l’héritage que vous aimeriez laisser ?
Ce qui me rend fier, c’est d’avoir initié des innovations à Grenoble. Nous avons testé des dispositifs comme les budgets participatifs et les pétitions citoyennes, et plus récemment la convention citoyenne pour le climat. Un élu doit apporter de l’innovation et expérimenter. Je suis fier de m’être inscrit dans l’histoire de Grenoble, d’avoir créé des dispositifs qui peuvent être améliorés, mais qui restent une réelle avancée pour la ville et la métropole.
Spécificité d’une métropole en matière de participation citoyenne
Pourquoi la métropole fait-elle de la participation citoyenne ?
La métropole est tenue par la loi de mener des concertations sur des documents comme le PLU, la ZFE, etc. Elle doit aussi faire participer les citoyens dans les domaines où elle a des compétences. La participation doit être une démarche concrète, et elle repose sur un engagement préalable : les citoyens doivent savoir ce qu’il adviendra des résultats.
Par exemple, la convention citoyenne pour le climat a eu lieu au niveau métropolitain car la métropole détient les compétences nécessaires. La participation ne peut être efficace que si elle se déroule dans les domaines où l’on peut réellement agir.
Comment laissez-vous entrer le conflit ou le débat contradictoire au sein de la métropole ?
C’est une question complexe. J’ai mis en place des espaces de dialogue pour que le débat contradictoire puisse s’exprimer au sein même de l’institution. Ce processus commence par une pétition nécessitant 1500 signatures pour qu’un débat ait lieu en conseil métropolitain. La transparence est essentielle, mais le plus difficile reste de parvenir à un compromis. Le but est d’atteindre un consensus large, même si le débat persiste.
La parole des personnes exilées, éloignées, vulnérables… comment travaillez-vous sur le pouvoir d’agir des habitants ?
Nous avons participé à un projet européen, l’Agora, qui a permis à des primo-arrivants de participer à un processus de co-construction des méthodes d’accueil. Cela a été un véritable laboratoire de l’hospitalité, et ce projet a remporté le prix de la participation « Décider ensemble » en novembre 2024. Il s’inscrit dans cette logique de mini-publics, comme la convention citoyenne pour le climat ou l’interpellation citoyenne.
Quelle est la relation entre la métropole et les communes sur la participation citoyenne ?
La métropole joue un rôle de coordination et d’animation intercommunale. Avec des communes variées, la plateforme participative en ligne permet de mutualiser les outils tout en respectant les besoins locaux. La métropole favorise aussi l’échange de bonnes pratiques et la mutualisation des ressources, ce qui est essentiel pour maximiser l’efficacité des politiques participatives.
La participation citoyenne dans les transitions
Comment la participation citoyenne accompagne-t-elle la transition environnementale ?
Je soutiens ce que j’appelle une démocratie climatique, une démocratie qui cherche un consensus plus qu’une radicalité dans les objectifs, car il est essentiel d’impliquer un maximum de personnes pour réussir les transitions environnementales. Cela nécessite des méthodes plus radicales dans le processus, mais moins dans les objectifs. Il faut faire 80 % du chemin avec 100 % des gens, plutôt que 100 % du chemin avec 20 %.
La démocratie participative a un réel impact, comme l’a montré la convention citoyenne pour le climat à Grenoble, où nous avons investi 50 millions d’euros pour intégrer les résultats dans les politiques publiques. Ce processus a permis d’aligner des objectifs dans toutes les politiques publiques métropolitaines, ce qui représente un véritable succès.
A quelles conditions la participation citoyenne est facteur de transformations sociales et environnementales ?
Le principal facteur de transformation, c’est la prise de conscience collective. Il ne suffit pas d’être informé d’un problème pour changer de comportement. Dans la convention citoyenne pour le climat, ceux qui ont participé ont effectivement changé leurs habitudes, mais cela ne concerne pas tout le monde. Ceux qui n’ont pas participé sont moins sensibles aux comportements à adopter. Le challenge est donc de toucher le plus grand nombre et de l’impliquer dans une démarche de changement.
Comment voyez-vous le rôle de la Commission nationale du débat public (CNDP) aujourd’hui et demain ? Quels risques pour la démocratie environnementale ?
La CNDP joue un rôle crucial, en particulier pour l’information et le « »concernement » des citoyens. Le fait que des projets industriels soient soumis à un débat public est essentiel, bien qu’il n’y ait aucune obligation que les demandes faites pendant ces débats soient mises en œuvre. Toute attaque contre la CNDP est un dommage majeur pour la démocratie environnementale, car cette institution permet de renforcer l’adhésion des citoyens.
Défis pour 2026
Quels seront les sujets importants pour une métropole en matière de participation citoyenne dans les prochaines années ? Quelle trajectoire imaginez-vous ?
La question centrale reste celle de l’émancipation de la personne. La participation citoyenne ne se limite pas à l’égalité ou à la transparence, elle doit permettre aux individus de se sentir responsables et acteurs de leur destin. À la métropole, le service de participation citoyenne devra être refondu pour légitimer les actions dans des domaines comme la mobilité et le climat.
Est-ce que la montée de l’extrême droite peut faire évoluer les institutions dans leurs relations aux citoyens ?
Le plus grand danger aujourd’hui ne vient pas de l’extrême droite, mais de l’alignement entre les grandes entreprises technologiques et des mouvements politiques comme celui de Trump. Cela modifie profondément l’espace informationnel et menace la participation citoyenne, car cela façonne la manière dont les citoyens sont informés et influencés.
Quels conseils pour la prochaine personne en charge de participation citoyenne ?
Innover. Un élu doit proposer des expérimentations, même si cela implique de se tromper. L’important, c’est de créer, et peut-être de rapprocher les politiques culturelles et participatives. Il faut aussi inscrire la participation citoyenne dans un récit local, qui donne du sens à notre histoire et à notre territoire.