Comment dialoguer dans des contextes difficiles

Le conflit est inhérent à la vie en société. Les concertations constituent des scènes où s’affrontent des positions, des opinions, des intérêts… Les conflits peuvent compromettre, mais aussi faire avancer les projets, même si certaines des expressions sont parfois difficiles à gérer.
Alors, comment vivre avec les conflits ?

Le chantier Conflits et projets est né de questions formulées par des membres de l’ICPC qui estimaient que les scènes de dialogue dans les territoires, autour de projets d’aménagement, étaient de plus en plus conflictuelles. 

La décennie 2010 avait vu l’apparition des ZAD (Zones à défendre) provoquées par l’opposition à de grands projets. Les échanges, autour de la transition énergétique, notamment les projets éoliens, paraissaient marqués par de forts clivages. Le partage de la ressource en eau a vu monter une conflictualité qui s’est cristallisée, à partir de 2023, par des affrontements violents autour des réserves d’eau appelées méga-bassines par leurs détracteurs. Au-delà de ces conflits qui ont occupé l’espace médiatique, les praticiens de la concertation notaient des échanges plus vifs à propos de projets d’aménagement urbain, de mobilité ou d’implantations industrielles. 

Bien sûr, les oppositions aux projets existent depuis longtemps et les conflits ont toujours émaillé les scènes de concertation. Certains dispositifs, comme les enquêtes publiques dans les années 1980 ou les débats publics dans les années 1990, ont été conçus comme des espaces dans lesquels devaient pouvoir s’exprimer pacifiquement les oppositions aux projets, preuve que la conflictualité est une dimension incontournable de la concertation dans les territoires. 

Le questionnement des praticiens ne portait donc pas sur les conflits en eux-mêmes. Il s’agissait plutôt de savoir si ceux-ci avaient tendance à augmenter en nombre ou en intensité et, dans l’affirmative, si cette évolution était due à une évolution de la société en général ou à l’incapacité des dispositifs de concertation de constituer des espaces où pourraient s’exprimer les oppositions.

Une première enquête menée par l’ICPC en 2022 auprès de praticiens de la concertation a montré que ceux-ci, outre des interrogations sur les causes des situations vécues, se demandaient quelle attitude adopter dans de telles situations et notamment lorsque des actes violents étaient dirigés vers eux ou vers des participants. Ces préoccupations se sont révélées partagées par de nombreux participants et participantes. Outre la question qui consistait à mieux comprendre le contexte de conflictualité actuel, ces demandes en ont introduit une nouvelle, celle du « comment faire ? ».

C’est pourquoi nous avons engagé le chantier Conflits et projets,  qui s’est déroulé en 2023 et 2024. Dans un premier temps, nous avons cherché à mieux comprendre les déterminants des conflits. Cette étape a consisté en l’organisation de trois webinaires avec des chercheurs : l’historienne Sophie Wahnich, le géographe Patrice Melé et le géopolitologue Philippe Subra. 

Un second temps de retours d’expériences a consisté en trois webinaires avec des praticiens : Julien Baillergeau (EDP Renouvelables), Florian Lougnon et Gérard Thomazon (Syndicat Mixte Est Creuse Développement) sur la prévention de conflits portant sur des projets éoliens ; Claire Bouteloup (Voix Croisées) et Gaëlle Le Bloa (Génope) pour une réflexion et des conseils sur la médiation ; Marielle Barré-Villeneuve (Nantes métropole) et Emmanuelle Gallot-Delamézière (Aire Publique) sur la gestion de conflits urbains. 

Parallèlement, aidés par Roméo Bondon, nous avons mené un travail d’exploration bibliographique. Par ailleurs, Nantes Métropole a organisé des ateliers internes de retours d’expériences et nous a permis de mettre à disposition un kit d’animation d’ateliers. 

Enfin, la partie Préconisations de ce document a fait l’objet d’un travail collectif mené à l’issue des webinaires.

La rédaction finale reste de la responsabilité de l’ICPC, mais elle doit beaucoup aux apports des membres du comité de pilotage et  aux contributrices et contributeurs : 

Merci à tous ceux qui ont partagé leurs questionnements et leurs expériences pour enrichir ce document.

Le comité de pilotage composé de : Christophe Beurois, Francine Fenêt (Nantes Métropole), Catherine Veyrat-Durebex (Nantes Métropole), Christophe Karlin, Lucas Lepage, Gilles-Laurent Rayssac et Julie Riegel.

Les contributrices et contributeurs : Sophie Wahnich, Patrice Melé, Philippe Subra, Julien Baillergeau, Florian Lougnon, Gaëlle Le Bloa, Claire Bouteloup, Emmanuelle Guallot-Delamezière, Marielle Barre-Villeneuve, Catherine Veyrat-Durebex, Nicolas Le Méhauté et Marie Eraud

Avec le soutien de Nantes Métropole

Le chantier est organisé autour d’une enquête auprès de praticiens, d’une exploration bibliographique, de webinaires pour échanger avec des spécialistes et partager des ressources d’expériences, d’ateliers et enfin d’un document de synthèse.

Enquête

Une enquête menée par l’ICPC en 2022 auprès de praticien.ne.s montre que les situations de violence dans les concertations peuvent en affecter les résultats et impacter les personnes. Peut-on anticiper et gérer ce type de situation ? Comment faire pour que les situations de violence ne soient pas source de démotivation ?

Exploration bibliographique

Que disent les travaux de recherche sur le conflit, notamment autour des projets dans les territoires ? Que peut-on lire pour se forger une connaissance et mieux décrypter les situations ?
Lire le rapport par Roméo Bondon et la note de synthèse de l’ICPC.

Le conflit et les transformations radicales

30 mars 2023
Webinaire avec Sophie Wahnich, historienne

Le compte-rendu

Le webinaire : https://youtu.be/Do6tG6mJWm8

Présence et effets des conflits dans les territoires

3 mai 2023
Webinaire avec Patrice Melé, géographe

Le compte-rendu

Le webinaire : https://youtu.be/Do6tG6mJWm8

Géopolitique des conflits d’aménagement

8 juin 2023
Webinaire avec Philippe Subra, géopolitologue

Le compte-rendu

Le webinaire, rendez-vous sur ce lien.

Prévenir les conflits dans les projets éoliens : retours d’expériences

15 novembre 2023
avec J. Baillergeau, F. Lougnon et G. Thomazon

Le compte-rendu

Le webinaire, rendez-vous à ce lien.

Conflits et démocratie

  • Démocratie délibérative vs. démocratie agonistique ? Loïc Blondiaux, 2008. Historiquement, la démocratie délibérative (qui repose sur une délibération argumentée) privilégie la recherche du consensus afin de gérer les conflits, contrairement à la démocratie agonistique (basée sur l’affrontement). Mais le choix de la discussion n’empêche pas de laisser toute sa place à l’expression des conflits. Raisons politiques
  • Délibérer avant la révolution. Archon Fung, 2011. La démocratie délibérative ne vise pas, par la discussion, la recherche d’un consensus tiède ou le maintien d’un statu-quo politique. Elle est révolutionnaire, elle prépare des changements sociaux profonds (davantage de participation, d’égalité…) et n’est pas incompatible avec l’activisme. Participations
  • Les relations paradoxales entre conflit et participation. Luigi Bobbio et Patrice Melé. Les scientifiques valorisent souvent le conflit (une participation « sauvage ») au détriment de la concertation (une participation « d’élevage » ou domestiquée) : une position normative qui mérite d’être interrogée. Il faut se demander ce que la participation fait aux conflits et vice-versa. Participations
  • La démocratie des émotions. Sous la direction de Loïc Blondiaux et Christophe Traïni, 2011. Les pratiques de démocratie participative sont de hauts lieux d’expression des émotions. Mais les cas étudiés montrent que les émotions sont fortement normées dans ces arènes, qui doivent bien plus à la volonté des experts de l’ingénierie participative qu’aux élans affectifs spontanés. Presses de Sciences Po

Conflits et violence dans la société française

  • Notre société est-elle réellement plus violente ? Laurent Mucchielli, 2013. Les statistiques policières montrent une stagnation des crimes, des évolutions fortes des vols et une augmentation des plaintes pour violences physiques, verbales et sexuelles (de 1970 à 2005) mais la violence diminue dans la sphère publique, policière, familiale… Le seuil de tolérance de la société envers la violence baisse : celle-ci est de moins en moins acceptée comme mode de règlement des conflits et de plus en plus criminalisée. Revue Trauma-Alfest
  • Internet et la brutalisation du débat public. Romain Badouart, 2018. L’anonymat, l’impunité, la tolérance envers les « trolls » et autres caractéristiques des réseaux sociaux tendent à banaliser la violence verbale sur internet. L’intimidation, les insultes ou menaces, les discours haineux se développent dans certaines sphères, encouragées par les algorithmes qui contribuent à un « ensauvagement » des échanges. La Vie des Idées
  • Violence politique. Les raisons d’une déraison. Philippe Braud, 2020. En politique, le conflit est considéré comme naturel mais la violence est discréditée. On y fait appel cependant pour gagner en visibilité (outil à manier avec modération) ou du fait de craintes ou de besoins non satisfaits (estime de soi, reconnaissance…) qui libèrent des émotions. In : Psychologie de la connerie en Politique (Dir. Jean-François Marmion)

Conflits dans les territoires

  • Conflits et territoires. Patrice Melé et al. 2004. Les conflits autour des projets publics sont-ils le signe de l’incapacité des pouvoirs publics à incarner l’intérêt général ou de l’égoïsme et du repli sur soi des habitants ? Quoi qu’il en soit, les conflits sont des révélateurs et ils transforment profondément les relations entre acteurs du territoire. Presses universitaires François-Rabelais, 2004.
  • Géopolitique de l’aménagement du territoire. Philippe Subra, 2018. Les conflits autour des questions d’aménagement du territoire illustrent les crises qui traversent la société française. Chaque conflit sur un projet ou une politique d’aménagement est l’occasion de rediscuter de l’intérêt général.. Armand Colin.
  • Du bon usage des conflits ! André Torre, 2011. Les conflits d’usage de l’espace ne sont pas le résultat de comportements égoïstes et coûteux. Tout comme les processus de coopération, ils jouent un rôle essentiel dans la gouvernance des territoires, en contribuant aux dynamiques territoriales et à l’expression démocratique des oppositions. Métropolitiques
  •  De l’analyse des conflits à l’étude des systèmes conflictuels. Jean-Eudes Beuret et Anne Cadoret, 2014. Les conflits environnementaux et territoriaux dans trois grands ports (Marseille-Fos, Le Havre et Dunkerque) fournissent un cadre d’analyse des motifs de conflit, des acteurs engagés et de leurs stratégies.  Géographie, économie, société.
  • Les projets, sources de conflits sur les territoires ? ICPC et Ifrée. Dans ce compte-rendu d’un atelier qui s’est tenu à Angoulême, une brève revue de littérature académique et des retours d’expérience. Compte rendu.

Outils et méthodes

  • Quelles réponses aux conflits d’aménagement ? Jean-Marc Dziedzicki, 2015. Une grille d’analyse des principales attentes exprimées par les opposants aux projets d’aménagement permet de mieux comprendre leurs critiques et de proposer des pistes de réponse, dans la perspective d’un processus de concertation et de participation publique. Participations
  • Eolien en mer : enseignements de onze ans de débats publics et concertations. Commission nationale du débat public, 2021. A partir des comptes rendus et bilans de 14 débats publics et concertations, la CNDP détaille les arguments des publics et des recommandations pour organiser un débat sur un sujet souvent conflictuel. CNDP
  • Faciliter la concertation. Lawrence Susskind et al. 2010. Comment mobiliser les principes de la médiation pour rendre un processus de concertation plus efficace et équitable, c’est-à-dire tendant vers un accord jugé acceptable par les parties en présence? Les principes et le déroulement d’une telle démarche sont illustrés ici de façon concrète. Comédie – note de lecture