Laura Michel
Itinéraire
Je suis maîtresse de conférences en science politique à l’Université de Montpellier. La concertation est, pour moi, un objet de recherche mais pas uniquement, puisque je suis aussi impliquée dans des dispositifs de participation. Ces 15 dernières années, j’ai fait des aller-retours entre recherche et pratique.
Dans mes travaux, je m’intéresse particulièrement à la démocratie environnementale et à l’écologisation des politiques sectorielles : comment les politiques agricoles, industrielles ou d’aménagement du territoire ont pris en compte l’environnement ? Comment ont-elles intégré le nouvel impératif participatif ?
J’ai débuté dans ce domaine, au moment de la mise en place de la Commission nationale du débat public prévue par la loi Barnier, avec une thèse sur le développement de la concertation dans les politiques industrielles ayant un impact environnemental. Des acteurs industriels, confrontés à des controverses environnementales, ou poussés par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) nouvellement créée, ont commencé à se lancer dans la concertation. Commençait à émerger l’idée selon laquelle les ingénieurs ne pouvaient plus décider seuls des grands projets impactant les territoires, et que le public, les associations de défense de l’environnement pouvaient avoir aussi leur mot à dire sur ces projets.
A ce titre, j’ai été sollicitée, au début des années 2000, pour participer en tant que membre du collège des scrutateurs à un débat local recommandé par la CNDP, sur un projet de ligne à très haute tension, dit « Quercy blanc » porté par RTE.
A plusieurs reprises, j’ai occupé cette fonction de « tiers garant » : en tant que garante sur le projet de gare nouvelle à Montpellier et en tant que membre d’une Commission Particulière du Débat Public (CPDP) sur la liaison routière Fos-Salon. Je considère que la présence de tiers-garant est nécessaire pour garantir la sincérité des dispositifs de participation et un véritable droit à la participation.
Par ailleurs, j’ai participé à la dynamique locale de l’ICPC avec l’organisation d’un certain nombre de séminaires comme une journée praticiens-chercheurs sur les chartes de la participation en 2013.
En 2016, j’ai été associée à la rédaction de la charte de la participation du public portée par le Ministère de la Transition écologique. J’ai également été sollicitée pour présider depuis 2017, les travaux de la convention d’Aarhus sur la promotion des principes de participation du public dans les forums internationaux (PPIF). C’est une mission historiquement portée par la France. Dans la convention d’Aarhus, les partis signataires s’engagent à garantir un accès à l’information et à la participation dans leur pays (ainsi que l’accès à la justice), mais aussi à faire la promotion de ces principes dans les négociations internationales lorsqu’elles ont une incidence environnementale. Cette obligation des parties, défendue par les ONG, est généralement moins connue dans les pays signataires.
Message
L’accès à l’information et à la participation est un droit garanti par la convention d’Aarhus : ce n’est ni une faveur accordée selon le bon vouloir des décideurs, ni une nouvelle forme de communication, cela fait partie de leurs obligations. En France, c’est même un droit à valeur constitutionnelle.
C’est d’autant plus important de le rappeler aujourd’hui qu’il n’est pas appliqué partout dans le monde et que des défenseurs de l’environnement meurent ou sont poursuivis dans certains pays pour dénoncer des atteintes à l’environnement, autour des projets miniers par exemple.
La convention d’Aarhus a été écrite au moment de la chute du mur de Berlin, dans un contexte « d’engouement » et d’expansion de la démocratie environnementale. A l’inverse, aujourd’hui nous vivons une période de régression des droits démocratiques. De nombreux pays font obstacle dans les négociations internationales, à l’UNEA par exemple, à la diffusion de ces droits. En France, nous sommes relativement privilégiés avec l’existence d’instances et de dispositifs - certes parfois améliorables - permettant l’accès à l’information et à la participation, notamment la Commission nationale du débat public.
Il faut toutefois rester très vigilant pour que ces droits ne reculent pas. En effet, le droit à l’information, à la participation, à la liberté d’expression, est rogné par des mesures ponctuelles contenues dans certaines lois ou justifiées par l’état d’urgence sanitaire, et comme tous les droits, il doit être défendu.