Eric Mulot-Radojcic

Itinéraire

Tout mon parcours professionnel est centré sur les bénéficiaires de l’action publique; d’abord en tant que travailleur social, ensuite à l’université, chargé d’évaluation de politiques éducatives, puis chef de service emploi-insertion à Vitry-sur-Seine. J’ai aussi exercé en tant que consultant dans le privé (étude prospective, évaluation, analyse de filière). J’ai développé des compétences en écoute des besoins, que j’ai prolongées au service évaluation de la Région d’Île-de-France, pendant 6 ans. Néanmoins, force était de constater que l’évaluation mettait en lumière les écarts entre les intentions des institutions et le ressenti des bénéficiaires. Les institutions tendent à se routiniser et à penser à la place des usagers, les conduisant à ne plus écouter les besoins. Il m’a donc semblé intéressant d’inverser les choses en intégrant les citoyens en amont. Mon orientation vers la participation en rejoignant le Conseil de développement de la Communauté d’agglomération de Grand Paris Sud est un aboutissement assez logique. Après bientôt 3 ans à ce poste, je suis désormais responsable du service participation citoyenne créé en juin 2019. Nous partions déjà d'une culture de la participation avec certains élus moteurs, confortée et renforcée par l’épisode Gilets jaunes et le Grand débat.
Conscients que les types d’engagements varient selon les modalités de participation proposées, l’enjeu de ce service sera de diversifier et d’aller vers d’autres publics avec une politique de participation multi-canale. Notre approche repose sur le fonctionnement en réseau avec les forces du territoire et la formation. C’est un prolongement du Conseil de développement qui a petit à petit évolué dans ses pratiques. Si cette instance formelle attire un certain type de profils non représentatif de la population et ne répond pas à tous les besoins, elle a le mérite d’offrir la possibilité d’aller plus loin sur les thèmes et de faire monter en compétence des citoyens qui consacrent beaucoup de temps à l’action publique.
Avec le Conseil de développement, nous avons beaucoup développé le fonctionnement en réseau avec les partenaires du territoire et allons progressivement l’étendre à l’échelle du territoire avec les communes. Cela favorise l’efficacité de l’action publique en mobilisant l’intelligence territoriale et en croisant des regards. Côté formation, en interne, nous avons mis en place un réseau d’une trentaine de facilitateurs qui ont envie de tester l’animation de réunions créatives, ce qui contribue à l’acculturation de l’institution. Idem pour le Conseil de développement où nous avons observé que la participation des citoyens ne se résume pas à l'apport d'idées en groupe de travail. Nous avons identifié des "rôles types" (veille, animation, enquête..) et avons donc mis en place des parcours de formation en s’appuyant sur les compétences des partenaires locaux. Ainsi, une vingtaine de citoyens volontaires ont pu monter en compétence selon leurs envies.

Message

L’engagement de citoyens prêts à donner du temps pour l’amélioration de l’action publique n’est pas une évidence, il est précieux, d’autant que ce temps est souvent non rémunéré. Certes, les instances participatives sont très critiquées pour la non-représentativité des profils, mais cela représente un nombre d’heures travaillées impressionnant. Les citoyens attendent au moins de la considération et un retour des élus a minima. Au vu du temps et de l’énergie donnés, la valorisation de ces engagements représente un enjeu fort, surtout pour les moins diplômés. Dans cette optique, nous réfléchissons à développer une certification, même locale, comme commence à le faire la Normandie avec des « badges ouverts ».
Il faut aussi acter la diversité des engagements et la respecter : l’on ne peut pas s’attendre à ce que tous les citoyens s’investissent au même niveau et de la même manière. C’est à l’institution de s’adapter aux disponibilités et non l’inverse comme aujourd’hui.