Tristan Rechid
Itinéraire
Ma culture professionnelle est celle de l’éducation populaire. J’ai notamment été directeur de plusieurs centres sociaux, dont la vocation est d’accompagner les projets des habitants et de développer leur pouvoir d’agir. Cela m’a permis de me former aux méthodes d’animation de groupes, à l’écoute active ou à la sociocratie. Mon postulat : lorsqu’il y a des désaccords dans un groupe, c’est plutôt une bonne nouvelle car cela va dynamiser la réflexion ! Ensuite, les outils d’animation permettent à chacun d’exprimer son point de vue, puis au groupe d’en discuter dans un rapport d’équivalence, enfin de converger vers des solutions en adoptant le principe du consentement.
Résidant à Saillans, petite commune de 1300 habitants dans la Drôme, j’ai fait partie de cette aventure collective qui a vu une liste constituée d’habitants remporter les élections municipales de 2014, sur la base d’un programme co-construit par un bon nombre d’entre eux. Depuis, toutes les décisions se prennent avec une forte participation habitante. J’entends par là, non pas la consultation mais la co-construction, voire la co-décision. Je dis souvent que le politique, c’est l’habitant et non pas l’élu. Le rôle de l’élu est d’accompagner la construction de la pensée politique/collective des habitants et de la porter au sein de son assemblée exécutive.
Personnellement, je ne suis pas élu de Saillans mais j’accompagne cette dynamique. Je suis également formateur et accompagnateur de collectifs d’habitants inspirés par cette expérience et qui se préparent aux élections municipales de 2020. Ils sont actuellement une centaine en France.
Message
Lors de mes déplacements, je vois de nombreux consultants et agents de collectivités qui se battent pour donner plus de pouvoir d’agir aux habitants. Ils se heurtent à de fortes résistances, parmi les élus en particulier. L’écart qui existe entre leurs aspirations et la réalité des pratiques politiques, qui n’évolue que très lentement, produit chez eux de la souffrance et parfois du découragement. Mon message, c’est qu’il faut persévérer ! Notre modèle de démocratie représentative s’épuise, il faut le rénover. Il ne s’agit pas de faire disparaître les représentants mais de faire en sorte qu’ils travaillent dans un rapport différent avec les habitants. A Saillans, ce sont toujours les élus qui prennent les décisions, mais celles-ci sont nourries par la réflexion des habitants. Ces derniers montent en compétence et en conscientisation. Le gain pour la société est énorme : du lien social, le sentiment de travailler collectivement pour le bien commun, une transformation des modes de pensée… Certains élus sont conscients des limites du fonctionnement actuel et cherchent des alternatives. Sur de nombreux territoires, les choses bougent, par exemple dans les mouvements qui se réclament de la transition. Evidemment, tout cela évolue très lentement. Je sais que je ne verrai pas de mon vivant un bouleversement radical du fonctionnement des collectivités territoriales, mais il faut travailler pour le temps long.