Patrick BODART
Itinéraire
J’ai étudié l’architecture en Belgique et mon intérêt pour les questions urbanistiques m’a amené à n’envisager tout travail de conception qu’avec le point de vue des habitants. A la fin de mes études, j’ai suivi une formation sur l’habitat dans les pays en développement, ce qui m’a fait connaître des expériences de plusieurs pays et m’a initié à une approche de l’habitat plus collective, marquée par les luttes pour le droit au logement et par la concertation. Puis, j’ai travaillé au Brésil de 1992 à 1998. La participation des habitants était au cœur des projets urbains. Toute la démarche était basée sur la participation de différents acteurs publics et des habitants, leurs associations, des organismes de formation. De retour en Belgique, avec l’ONG brésilienne au sein de laquelle je travaillais, nous avons créé l’association Periferia dans l’intention de faire évoluer les façons de faire européennes en s’inspirant d’expériences latino-américaines. Nous sommes sensibles en particulier aux acteurs les plus éloignés de la participation, par exemple ceux qui considèrent que leur avis a peu de valeur. Nous avons beaucoup travaillé sur ce que nous appelons la capacitation citoyenne, c’est-à-dire la reconnaissance des capacités de collectifs citoyens à faire évoluer leur environnement. Depuis quasi 20 ans, je travaille au sein de cette association, qui intervient en Belgique, dans le nord de la France et désormais dans le Sud-Ouest où je réside actuellement. Nous menons aussi des activités de soutien à des initiatives en Amérique latine et, depuis peu, en lien avec l’Afrique.
Message
Beaucoup des processus que nous – les praticiens de la participation – menons se centrent sur des questions spécifiques posées par des commanditaires, par exemple autour de projets ou de politiques publiques. Ces processus avec des objectifs ciblés sont importants et répondent à des attentes particulières, mais ils imposent un agenda aux citoyens et ils conditionnent leurs prises de parole. Beaucoup de participants y viennent et expriment des préoccupations que l’on qualifie de « hors sujet ». Ils montrent ainsi qu’il y a besoin d’autres types d’espaces de débat, sans obligation de résultat prédéfini, dans lesquels chacun pourra s’exprimer à partir de ses enjeux réels et où les citoyens retrouveront un pouvoir d’initiative. Cela ne veut pas dire que ces espaces ne produiront rien. Afficher qu’on n’a pas d’objectif de résultat attendu, c’est parfois une bonne façon d’aboutir à des résultats, parfois d’ailleurs moins en lien avec les politiques publiques ! Dans ces espaces « disponibles », le rôle des animateurs est différent : il faut aller au-delà des participants habituels et du seul public dit « concerné », créer les conditions favorables à l’expression de chacun, lâcher prise sur la méthode, arrêter de regarder sa montre… Personnellement, j’aime mobiliser les savoirs profanes, toucher des acteurs inattendus, provoquer des rencontres improbables. Cela me fait sortir de ma zone de confort et fait évoluer mon positionnement professionnel vers quelque chose de plus réel, plus lié à la vraie vie. C’est sans doute une influence de mon expérience latino-américaine, et j’apprécie cette prise de risque !