Lucile Biarrotte
Itinéraire
Pour ce qui est de mon parcours, j’ai fait l’École Normale Supérieure de Paris en Géographie, en parallèle du Magistère d’urbanisme de Paris 1. C’est à cette période-là que j’ai commencé à travailler sur les questions de genre en urbanisme. J’ai fait deux mémoires de master sur cette thématique qui ont été suivis d’une thèse, entre 2015 et 2021, sur les dimensions genrées de l’urbanisme en France. La thèse proposait à la fois une dimension historique sur les professions et la culture de l’urbanisme, et une analyse de projets contemporains d’urbanisme intégrant explicitement les questions de genre. J’ai principalement fait des études de cas en Ile- de-France, sur la Ville de Paris et sur Villiers-le-Bel. J’ai suivi des professionnel·les, militantes ou fonctionnaires, qui travaillaient sur ces thématiques. Pendant la deuxième partie de ma thèse de 6 ans, j’ai monté une auto-entreprise pour réaliser des missions d’expertise. Cela m’a permis de travailler au sein d’un groupement (avec Anne Labroille et ARP Astrance) pour une commande de l’ADEME sur l’inclusion dans l’aménagement durable. Une autre mission structurante dans mon parcours est celle pour la Ville d’Angers, toujours avec l’architecte Anne Labroille, sur la place des femmes dans le quartier de Monplaisir pendant sa rénovation urbaine. Pendant un an, nous avons fait un diagnostic de la place des femmes dans ce quartier tout en accompagnant l’équipe- projet afin de les acculturer à l’intégration de la problématique dans leur programmation urbaine. On a produit un document d’accompagnement qui reprend chaque étape du projet urbain pour transversaliser l’approche de genre. Cet aspect professionnel de ma thèse est en accord avec ce qu’elle devait être pour moi : un accompagnement à la prise en compte des dynamiques de genre dans lemilieu de l’urbanisme français. J’ai toujours considéré mon travail comme de la recherche-action enrichissant à la fois la connaissance scientifique tout en faisant connaître les enjeux de genre aux milieux professionnels. J’ai rencontré l’agence de concertation Traitclair en répondant en groupement, en tant qu’experte genre, à un appel d’offre de la Ville de Paris, qui avait intégré cette question dans trois de ses marchés d’urbanisme : la concertation sur les espaces publics et les projets d’aménagement, la révision du Plan Local d’Urbanisme et les Etudes d’Impact Environnemental. Il y a eu plein d’imbrications entre mes terrains de travail, mes sujets d’expertise, les collectivités avec lesquelles je travaillais et les dossiers de Traitclair. Après ma thèse le milieu de la concertation en urbanisme a ainsi été une extension logique de mon thème de recherche, parce que c’est une question que j’avais déjà croisée : une partie des méthodologies sensibles au genre en urbanisme sont des dispositifs participatifs. En rejoignant Traitclair, j’ai apporté donc cette expertise transversale à la concertation tout en développant un volet d’études sociales urbaines genrées.
Message
Les questions de genre sont de plus en plus explicitement citées dans le secteur de l’urbanisme, cela ne veut pas dire que le sujet n’était jamais traité auparavant, mais peut être de manière plus informelle parce que ce n’était pas forcément légitimé. La légitimation dans les sphères publiques a rendu visibles ces questions.
Dans ces missions, aussi bien à Angers qu’à Paris, sur des espaces publics ou d’autres types de projets j’essaye toujours, au sein des concertations, d’apporter une vision transversale des questions d’égalité de plusieurs façons. Pour commencer, nous essayons de quantifier qui participe, en faisant des comptages ; ensuite nous essayons de comprendre s’il y a des horaires ou des formats qui intéressent plus ou moins les femmes ou les hommes, les filles et les garçons.
Comptabiliser et objectiver les inégalités de manière méthodique fait toujours du bien pour s’assurer que nous n’avons pas de biais dans la perception des réalités sociales genrées. Car nous avons toutes et tous grandi dans une société pleine de stéréotypes, qui a tendance à les normaliser et les invisibiliser.
À l’échelle française, il n’existe à ma connaissance pas encore de données complètes et généralistes sur la participation du point de vue du genre, selon les échelles de concertation par exemple. Pourtant on remarque que les échelles de projets d’aménagement ont un impact sur qui participe ou pas, autant au sein des professionnel·le.s de l’urbanisme que des habitant·e·s.. On gagnerait à accumuler plus de données concrètes pour déterminer les grandes tendances et les schémas sur le sujet du genre dans la participation en France. Il faudrait avoir une vision globale de ces questions, récolter des données, sous format de grille par exemple. Cela sous-entend l’existence d’un protocole commun pour collecter de la donnée sur ces sujets.
Crédit photo @PascalLévy