Comédie – méthodes et outils

Outils numériques pour l’animation des démarches de concertation
Panorama d’outils pour collecter des avis, débattre, écrire à plusieurs ou décider ensemble

Marc Bonneau

Méthode/outil 

OUTILS

Les outils numériques sont utilisés de manière quasi systématique dans les dispositifs de concertation. Des plateformes numériques spécialisées aux fonctionnalités complexes proposent d’étendre la participation en-dehors des temps et des lieux animés en présence.

Mais des outils aux fonctionnalités plus simples et plus facilement mobilisables sont également à la disposition de l’animateur de la concertation. Ils sont aussi mobilisables pendant les temps animés. Ce sont quelques-uns de ces derniers qui sont présentés dans cette fiche.

Les modalités et conditions pour utiliser les outils numériques

Les outils numériques collaboratifs en ligne peuvent rendre service dans différentes situations :

  • Utilisation synchrone : les utilisateurs peuvent agir simultanément sur le même document. Les outils qui permettent ce type d’usage pourront être utiles lorsque l’on a besoin de travailler à plusieurs en même temps c’est-à-dire lors de réunions physiques ou à distance (réunion téléphonique ou en webconférence)
  • Utilisation asynchrone : les utilisateurs peuvent interagir consécutivement avec l’outil ou le document. Les outils qui permettent ce type d’usage pourront être utiles avant ou après les temps de réunion pour permettre aux participants, ou aux publics visés de s’informer ou de contribuer individuellement.

Certains outils autorisent les deux utilisations et peuvent donc permettre de travailler sans changer de support et de fonctionnalités, avant, pendant et après la réunion. Cela renforce l’intérêt des participants et peut permettre de faciliter une prise en main progressive.

De manière générale, on choisira les outils et on préparera leur utilisation de manière à minimiser les étapes préalables pour les utilisateurs et les dysfonctionnements. On peut être attentif par exemple à :

  • choisir des outils qui ne génèrent pas d’appréhension sur l’usage des données ou les risques informatiques,
  • préférer les outils qui ne nécessitent pas la création de comptes,
  • préférer les outils mono-fonction et faciles à utiliser,
  • bien régler les droits d’usage (le cas échéant) et faire un test préalable systématique,
  • faciliter l’accès en communiquant un lien cliquable qui mène directement à la page,
  • dans le cas d’un usage en réunion, tester préalablement sur place la connexion et l’accès effectif aux outils choisis.

Les principales fonctions possibles et les outils accessibles

Vous trouverez ici une sélection de logiciels. Ils ont été choisis avant tout pour leur simplicité d’utilisation et leur accessibilité pour l’animateur.  Pour la plupart, ils sont libres et gratuits.

     Le sondage

Qu’il s’agisse de recueillir les perceptions, les avis, les opinions ou les choix de différentes personnes, les outils numériques de sondage ont l’avantage de faciliter la diffusion du questionnaire, la collecte des données et surtout leur traitement. Les outils de sondage en ligne peuvent être utilisés par exemple pour :

  • recueillir les perceptions d’usagers d’un lieu ou d’un service dans une phase de diagnostic,
  • consulter les participants pour hiérarchiser les sujets de travail avant ou pendant une réunion,
  • évaluer le dispositif de concertation.

Les outils de vote directement accessibles :

Framaform

Google forms

     Outils de recueil et d’organisation d’idées

Le mur d’idées permet de recueillir les idées une à une et de les organiser simultanément ou consécutivement. Son apparence est très proche des outils d’animation classiquement utilisés en salle, son usage est simple et très intuitif. Avec certains outils, il est possible d’intégrer des images, des sons et des vidéos. Les « murs d’idées » peuvent être utilisés par exemple pour :

  • recueillir des idées avant une réunion et éventuellement poursuivre ce recueil en réunion ensuite,
  • animer une réunion de travail téléphonique,
  • faciliter la restitution en plénière du travail de plusieurs groupes sans manipulation de matériel, en projetant sur un grand écran,
  • mettre en forme des constats ou des propositions d’actions suite à une visite de quartier (photos).

La carte mentale numérique est un autre outil de recueil et d’organisation des idées. Elle permet une représentation spatiale sous forme arborescente.

Plus simple encore, la boite à idées numérique est aussi un outil de recueil envisageable.

Les logiciels de recueil et d’organisation d’idées accessibles :

Framemo (mur d’idée)

Padlet (mur d’idée)

Framindmap (carte mentale)

Idéotime (boite à idée)

Diboks (boite à idée)

      Outils d’écriture collaborative

Rédiger un texte à plusieurs nécessite habituellement de nombreux aller-retours de versions et de commentaires. Un outil de rédaction collaborative est un traitement de texte en ligne qui permet à un groupe de personnes de partager et d’améliorer simultanément ou consécutivement un texte en cours d’élaboration. Les outils d’écriture collaborative peuvent être utilisés par exemple pour :

  • produire et/ou amender une charte ou des fiches actions par exemple, en présence ou à distance, pendant et/ou après une réunion ;
  • prendre en note à plusieurs mains les échanges en réunion ;
  • saisir simultanément la production de différents groupes de travail.

Framapad

     Outils d’échange et de débat

Le forum est une fonctionnalité assez ancienne de l’internet 2.0 et toujours très utilisée. Elle est intégrée à de nombreux sites, par exemple pour permettre des échanges entre les lecteurs d’un article, sur les blogs ou les sites d’organes de presse. Mais elle est mobilisable indépendamment également. Le forum peut notamment permettre d’ouvrir des échanges entre des habitants sur différents sujets qui touchent à leur territoire ou à un projet, par exemple pour ouvrir le débat à des publics qui ne participent pas aux réunions physiques.

Le mur d’expression permet de diffuser les expressions individuelles d’un public nombreux pendant le déroulement d’une réunion au moyen de sms ou de tweets.

Les outils de quizz et vote interactif permettent de recueillir et visualiser les réponses des participants à des questions précises en direct pendant une réunion.

Forum

Mur d’expression

Quizzoodle (Quizz via smartphone )

Kahoot (Quizz via smartphone )

VotAR (vote par cartons de couleurs)

     Outil de prise de décision

Associant outil d’échange, de sondage et de vote, les outils collaboratifs de prise de décision permettent de discuter de sujets spécifiques, d’aboutir à des propositions puis de voter sur la même plateforme.

Framavox

Accès, matériel et logiciels utiles pour l’animation de réunions en général

     Faciliter l’accès aux outils numériques en toutes circonstances

Internet n’est pas disponible partout et les salles de réunions ne sont pas toujours bien équipées. Les point d’accès 4G, pour accéder à internet par wifi dans un lieu couvert par la 4G : les fournisseurs d’accès internet fournissent différentes solutions accessibles par abonnement

Klaxoon une solution (payante) pour accéder hors-ligne à certains outils dans les lieux non desservis :

     Le matériel numérique d’animation de réunion

On trouve aujourd’hui différents matériels de réunion numérique qui peuvent rendre des services aux animateurs de la participation :

  • tableaux ou vidéoprojecteurs interactifs peuvent maintenant s’utiliser à plusieurs simultanément,
  • des feutres ou paperboards numériques peuvent faciliter la saisie des notes papiers,
  • les boitiers de vote se répandent dans les salles des collectivités locales.
     Les applications pour faciliter la saisie des productions écrites et orales

Les outils numériques peuvent faciliter le travail fastidieux de saisie des productions :

  • numériser et partager efficacement les productions écrites avec son smartphone : voir les applications ScanBot ou SmartScan,
  • transcrire de l’audio en texte, avec la fonction « saisie vocale » de Google docs (sur le navigateur Chrome uniquement)
  • faciliter la saisie d’enregistrement audio avec Otranscribe ou Recordense.

Sources

Framasoft

Metacartes

Questionnement et écoute active
Demander, entendre, reformuler, faire valider

Questionner, écouter, relancer… Ces pratiques sont fondamentales dans un processus de dialogue. Apprendre à mieux le faire permet d’améliorer la compréhension et de créer un climat d’écoute et de respect.

Le questionnement

Le questionnement sert à :

  • lancer ou relancer une réflexion, encourager une personne ou un groupe à s’exprimer ;
  • comprendre, approfondir, développer, nuancer ;
  • mettre en évidence différents aspects d’un problème ou d’une situation.

Le questionnement est au service du « questionné », il doit l’aider à exprimer son expérience, à approfondir, à éclaircir son avis ou ses idées. Questionner, c’est faire émerger des informations que possède la personne que l’on questionne, c’est donc faire participer. Il ne s’agit pas d’interroger, de mettre en échec ou de chercher vérifier si la personne détient «la bonne» ou «la mauvaise réponse».

Il y a de nombreuses sortes de questions, par exemple :

Les questions d’ouverture : « Vous, comment voyez-vous les choses ? »

Les questions de clarification : « Qu’est-ce que vous entendez par « … » ? » ; « Quand vous dites que vous êtes opposé à ce projet, qu’est-ce que ça veut dire concrètement ? Que pensez-vous faire ? »

Les questions sur les émotions : « J’ai l’impression que ce projet vous inquiète, est-ce que je me trompe ? »

Les questions sur les besoins : « Qu’est-ce qui fait que c’est si important pour vous? » ; « Vous me dites que vous êtes très attaché à ce territoire, pouvez-vous m’en dire un peu plus sur ce qu’il représente pour vous? » ; « De tout ce que vous m’avez dit, finalement qu’est-ce qui compte le plus à vos yeux ? ». Dans la mesure du possible, éviter la question « pourquoi ? » qui entraîne souvent une réaction de justification de la part de la personne et ne permet pas toujours de comprendre ses besoins.

Les questions exploratoires : « Supposons que l’on fasse cela ; qu’est-ce que ça changerait pour vous ? » ; « Si vous étiez à ma place (ou : à la place du Maire…), quelle solution proposeriez-vous? ». « D’après-vous, y a-t-il d’autres façons de résoudre ce problème / d’autres façons de répondre aux besoins de tous? » ; « Quelles solutions seraient acceptables pour vous? » ; « Etes-vous d’accord avec cette proposition? » ; « Que faudrait-il modifier pour qu’elle devienne acceptable pour vous?» ; « Parmi ces deux options laquelle vous paraît la plus envisageable? »

L’écoute active

L’écoute active est une écoute compréhensive et respectueuse des propos de l’autre. Elle permet de mieux comprendre son interlocuteur et de lui montrer que l’on essaie sincèrement de le faire. Elle peut être orientée en particulier vers l’identification des besoins des personnes.

Cette démarche n’est pas naturelle. Elle nécessite d’être concentré sur la compréhension des personnes. Elle passe généralement par trois étapes :

  1. l’écoute attentive
  2. la reformulation
  3. la synthèse (ou validation)

1. L’écoute attentive

Après avoir questionné, il faut se concentrer sur la réponse et ne pas avoir l’esprit occupé par une répartie possible ou par la question suivante.

2. La reformulation

La reformulation permet, avec vos mots, de résumer ce que vient de dire votre interlocuteur. Vous pouvez l’annoncer préalablement : « Je vais reformuler ce que vous venez de dire, simplement pour m’assurer que je vous ai bien compris ».

On distingue classiquement :

  • la reformulation stricte ou « reformulation-miroir » : elle invite la personne à poursuivre son propos, à approfondir son idée.  Par exemple, à quelqu’un qui dit « Ce projet est inacceptable pour nous. Nous n’allons pas en rester là. », l’animateur peut reformuler la dernière partie « Vous n’allez pas en rester là. » afin d’inviter la personne à poursuivre.
  • la reformulation-synthèse : elle reprend l’idée globale et permet de vérifier que l’on a bien compris le propos de la personne : « Globalement, vous êtes favorable au projet mais vous nous alertez sur certains risques qui sont les suivants: … »
  • la reformulation clarifiante : elle permet d’élucider un discours, par exemple en permettant de distinguer deux idées distinctes contenues dans un même propos. « Si je comprends bien, vous nous dites qu’il y a deux choses importantes pour vous. La première, c’est que … ; et la seconde, c’est que… C’est bien cela ? »

Quand on pratique l’écoute active, on n’engage pas de débat. Il s’agit de mettre en évidence les idées fortes, de poursuivre l’en étant sûr de s’être compris. Le débat pourra venir plus tard.

La validation

C’est la troisième étape, qui succède immédiatement à la reformulation. La validation permet simplement de s’assurer que la reformulation convient  : « C’est bien cela ? » ; « Est-ce que j’ai oublié quelque chose ? » ; « Dites-moi si j’ai mal compris vos propos ».

Si la personne estime qu’elle n’a pas été bien comprise, elle reprend et cela permet d’améliorer la compréhension.

L’attitude

Pendant le questionnement et l’écoute active, la personne qui interroge doit s’effacer sans être passive. Elle doit faire preuve d’empathie, être ouverte sur ce qu’elle va entendre, rester neutre dans la reformulation et respecter les temps de silence.

Elle ne doit pas juger, minorer les propos, proposer de solutions de façon précipitée. Enfin, elle doit garder son calme et éviter les réactions émotives ou affectives.

Les effets

Cet exercice de questionnement et d’écoute active est particulièrement important en début de concertation car il permet :

– d’expliciter les points de vue de chacun, d’identifier les besoins, de mettre en lumière les points d’accord et de désaccord ;

– de rassurer chacun sur le fait qu’il sera écouté avec attention et dans le respect de son point de vue, ce qui contribue à améliorer la confiance dans le processus de concertation.

Faire appel à un garant
Renforcer la légitimité du processus de concertation

Pierre-Yves GUIHENEUF

Méthode/outil 

CONCERTATION, CONFLITS, OUTILS, PARTICIPATION

Le garant a pour mission de « superviser » la concertation et d’en certifier le bon déroulement. Il peut également contribuer à en améliorer le fonctionnement.

Un garant, qu’est-ce que c’est ?

Un garant a la charge de s’assurer que la concertation se déroule dans des conditions suffisantes pour que s’établisse un climat de confiance, que les désaccords puissent s’exprimer et que des accords puissent être recherchés. Il veille donc au respect des règles de la concertation, telles qu’elles sont définies dans une charte (quand elle existe), dans d’autres documents (par exemple les principes définis par la Commission nationale du débat public : la transparence de l’information, l’argumentation, l’égalité de traitement des participants ; ou les principes de la Charte de la participation du public), etc. Il veille en particulier à ce que s’établisse une écoute, une transparence, un respect des personnes ; qu’il y ait une information complète et compréhensible ; que le dispositif de concertation soit adapté aux enjeux et conforme à la législation dans le cas de concertations règlementaires…

Pour le garant, il existe un « socle minimal » de missions à assurer et d’autres qui dépendent du contexte, des attentes des partenaires de la concertation et en particulier du maître d’ouvrage, de ses propres compétences et de ses souhaits. Le périmètre de son activité doit être défini avec lui lors de son recrutement.

Ses actions possibles sont les suivantes :

– observation active : participation aux réunions de concertation, contribution éventuelle à la préparation, regard critique sur les documents produits, production d’un « bilan du garant » qui est rendu public à la fin du processus, parfois production de notes ou de rapports intermédiaires.

– rappel du cadre : si nécessaire, rappel des règles de la concertation  à tous les participants y compris les organisateurs si besoin, soit au cours des réunions , soit en marge de celles-ci (de façon bilatérale avec les personnes concernées).

– recours : intervention à la demande des participants en cas de litige sur le processus de concertation (qualité des comptes-rendus, qualité des échanges, respect du calendrier, etc.). Lorsqu’il est saisi d’une réclamation, le garant peut jouer le rôle d’arbitre (débouter les plaignants ou au contraire appuyer leur demande auprès des organisateurs de la concertation selon qu’il la juge justifiée ou non) ou de médiateur (guider la recherche d’une solution par les parties prenantes). Pour être accessible, le garant doit être présenté publiquement et être joignable par tous (au moins par courriel – la création d’une adresse temporaire valable le temps de la concertation est conseillée).

– appui au processus de concertation : échanges bilatéraux avec des participants pour encourager des attitudes favorables au dialogue ou ramener dans la concertation des parties qui s’en exclueraient, conseil méthodologique aux organisateurs, contact avec les décideurs publics pour les interoger sur la façon dont ils pensent prendre en compte ce qui est dit lors de la concertation, etc..

Conditions d’efficacité

Le garant, pour être efficace, doit :

– être légitime aux yeux des participants. Il doit en particulier être indépendant du maître d’ouvrage, si possible non rémunéré par lui ou sinon non choisi par lui. Il doit être également sans proximité avec lui ou conflit d’intérêt. Il doit également agir de façon neutre, c’est-à-dire ne pas donner son avis (ni même le laisser deviner) sur le fond du sujet. Enfin, il doit traiter tous les participants de la même façon.

– posséder une connaissance de la concertation afin d’anticiper les difficultés possibles,  conseiller les organisateurs ou les animateurs, avoir une attitude constructive en cas de conflit sur le processus.

– posséder des qualités personnelles, par exemple savoir conjuguer bienveillance et autorité, etc.

Comment faire appel à un garant ?

Il faut distinguer deux situations.

Dans certains cas de concertations réglementaires, la présence d’un garant peut être imposée ou conseillée (voir ci-contre : les garants et la loi). Dans ce cas, le garant intervient sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP) qui le choisit sur une liste nationale de garants habilités à exercer ce rôle, s’occupe de son indemnisation et encadre sa mission.

Dans les cas où la présence d’un garant relève de la seule volonté du maître d’ouvrage ou de la demande de participants, les marges de manoeuvre sont plus grandes. Le garant peut être recherché sur la liste de la CNDP ou ailleurs. Dans le premier cas, le garant ayant été validé par la CNDP, sa légitimité sera probablement plus grande aux yeux des participants. Son mode de recrutement est à imaginer : il peut par exemple être choisi au moyen d’un vote des participants à la concertation suite à l’audition de quelques candidats proposés par eux, ou proposé par un petit groupe d’organisateurs de la concertation. Ses conditions d’indemnisation ou de rémunération sont à négocier avec lui dans le cas où le recours à un garant est volontaire.

Les conditions d’exercice

Quoi qu’il en soit :

– le recours à un garant doit être anticipé. Le garant n’est pas un pompier qui intervient en cas de problème. Souvent, le garant demande à être impliqué dès le début de la concertation, parfois avant même son démarrage c’est-à-dire pendant la période de préparation.

– la légitimité du garant aux yeux des participants est une question centrale. Il ne doit pas être « imposé » notamment dans les situations tendues car il pourrait alors être facilement remis en cause ou ses recommandations ignorées. Il est préférable qu’il soit accepté par tous et si possible choisi de façon collégiale. Son extériorité par rapport au territoire et aux enjeux, son mode de nomination et de rémunération, ses capacités doivent être étudiées.

– le garant doit disposer d’une certaine autonomie : il peut demander à participer aux réunions de préparation et de suivi de la concertation, à rencontrer des participants séparément et de façon confidentielle, à rencontrer les décideurs, etc. Certains garants demandent à animer eux-mêmes les réunions mais ce cas est rare et il est soumis à l’accord préalable des organisateurs. Le contour de sa mission doit être négocié précocement. On peut demander au garant d’être présent à tous les moments clés de la concertation et notamment lors des réunions publiques et des ateliers.

– le garant « honnête homme », sans expérience particulière de la concertation, qui assisterait en spectateur à la concertation et lui donnerait quitus est une figure en voie de disparition. Ce qui est de plus en plus recherché du garant est qu’il soit proactif, qu’il conseille et renforce le processus de dialogue, qu’il dispose d’une connaissance de la concertation et qu’il fasse preuve de qualités ou de compétences spécifiques qui lui permettent de contribuer à gérer les situations difficiles (qualités de médiateur, de négociateur, expérience reconnue…).

– il est possible de trouver des garants bénévoles (prévoir cependant leur défraiement). Si le garant est rémunéré par le maître d’ouvrage, sa légitimité pourra être remise en cause et il devra gagner la confiance des participants en faisant preuve d’une grande impartialité dans son action.

– il est possible de constituer une équipe de plusieurs garants, notamment si le périmètre de la concertation est étendu, ce qui facilite leur disponibilités lors des réunions.

– le maître d’ouvrage n’a aucun intérêt à chercher des garants complaisants. Un garant exigeant donnera au contraire une image d’indépendance et renforcera la qualité de la concertation. Le maître d’ouvrage – tout comme les participants – doit considérer le garant comme une personne impartiale qu’il ne faut pas tenter de séduire ni d’influencer, dont l’action lui sera favorable si la concertation est bien menée. Il n’a donc rien à en craindre s’il est sincère dans sa démarche.

– le garant veillera à la qualité du travail de l’animateur de la concertation mais il est son allié plutôt que son superviseur. Il n’est pas là pour le sanctionner mais pour l’aider et éventuellement le conseiller. Une relation de confiance et d’exigence mutuelle entre animateur et garant est nécessaire.

Cette fiche a été établie grâce au travail sur les garants réalisé par l’Institut de la Concertation.

Quelques informations

  • Type de fiche : Méthode/outil

Et aussi …

Gérer les moments difficiles en réunion
Comment réagir en cas de menace sur la poursuite du dialogue ?

Philippe BARRET

Méthode/outil

Les difficultés liées à l’attitude de quelques personnes

Agressivité

L’expression de la colère en soi n’est pas un problème si elle n’est pas dirigée vers un autre participant. dans ce cas, il faut laisser les gens s’exprimer et reformuler pour s’assurer d’avoir bien compris le message.

Lorsqu’un participant porte un jugement négatif sur « la partie adverse » qui aussitôt réagit, le ton monte ; l’invective et l’agression prennent la place de l’écoute et du respect. Dans ces situations, le rappel aux règles de l’animateur est rarement efficace. Ce dernier peut accepter cette phase de purge, laisser faire, mais se tenir prêt à  agir dès que l’énergie émotionnelle diminue et qu’un silence apparaît. Il intervient pour reprendre les rênes, c’est-à-dire :

  • Prononce quelques paroles sur l’altercation qui vient d’avoir lieu ; ces paroles peuvent être valorisantes (« Dans la phase actuelle, il est normal que des mots un peu durs soient échangés… »).
  • Rappelle les règles convenues au départ (« Nous sommes ici pour tout mettre sur la table, mais il est important de le faire dans le respect de l’autre… »).
  • Relance le dialogue, selon des modalités adaptées aux circonstances : reformule ce qui a été dit sur un ton apaisé, demande un approfondissement sur le sujet qui vient d’être évoqué, pose une nouvelle question, interroge une tierce personne.

Prise de parole trop longue ou trop fréquente

  • Rapprochement physique, puis, si nécessaire, signe de stop avec les mains.
  • Demande de conclusion : « Je voudrais que d’autres personnes puissent s’exprimer, pouvez-vous conclure ? ».
  • Interruption pour reformuler : « Si je comprends bien… »
  • Rappel des règles (si l’on avait fixé des règles quant à la durée de la prise de parole !).
  • Refus de redonner la parole pour privilégier ceux qui se sont peu ou pas exprimés.

Leader envahissant

L’animateur doit faire face à la présence d’une autorité ou d’un leader d’opinion qui a tendance à s’imposer sur la scène publique, voire à imposer ses vues, en inhibant l’expression des autres participants. L’animateur court également le risque d’être doublé par le leader dans la fonction d’animation.

  • Obtenir l’accord préalable de la personne sur sa place dans la réunion et sur le rôle de l’animateur
  • Expliquer clairement et précisément au groupe le rôle de l’animateur.
  • Être très présent tout au long de la réunion : reformulation et passage de parole.
  • Relativiser en douceur ce que vient de dire le leader : « Monsieur X vient de nous exprimer sa position ; il y a probablement d’autres avis ? »
  • Interroger le groupe sur son éventuelle apathie : « Je vois que personne n’ose parler…»

Hors sujet

  • Accepter une marge de digression
  • Se rappeler que des questions apparemment éloignées du sujet ne le sont pas toujours. Eventuellement questionner sur le lien avec le sujet abordé.
  • Noter au tableau le point (ou bien demander à la personne de le faire), si celui-ci peut être abordé plus tard, puis inviter la personne à revenir sur le sujet du dialogue.
  • Recentrer : rappeler l’objet thématique et géographique de la réunion.
  • Proposer un autre lieu de traitement de ce point.
  • Présenter la non-digression comme une règle de départ.

Le blocage du dialogue

Le scénario du pire

Si le dialogue n’avance pas, chacun campe sur ses positions et refuse d’écouter les autres, l’animateur peut présenter les risques encourus si le dialogue s’arrête. Dans l’espoir de relancer le dialogue, il brandit le pire qui puisse être envisagé en l’absence d’accord.

Le scénario du rêve

C’est l’opposé du scénario du pire. L’animateur propose aux parties prenantes, soit en réunion, soit en entretiens séparés, de suspendre un moment la discussion et d’imaginer ce dont ils rêveraient, si un accord était trouvé.

Retour sur les valeurs (communes ou individuelles)

L’animateur rappelle aux parties prenantes leurs valeurs ou objectifs communs : « Je crois comprendre que nous sommes tous soucieux d’améliorer les conditions de vie sur ce territoire, de préserver les emplois et l’environnement, n’est-ce pas ? Alors, je vous invite à travailler dans ce sens. »

Faire face aux tentatives de sabotage

Une ou plusieurs personnes du groupe s’enferment dans une attitude agressive, basée sur la critique systématique de la partie adverse ou l’agression répétée et tentent de faire échouer la réunion.

  • Interrompre la séance pour s’expliquer avec la ou les personne(s).
  • Présenter au groupe la situation ; lui demander de faire un choix : « Il me semble que le dialogue ne va pas avancer de cette façon. Souhaitez-vous poursuivre ou arrêter là ? »

Rester efficace tout au long de la réunion

Avant la réunion

Avant une réunion qui s’annonce difficile, il est important que l’animateur prenne un moment pour se préparer émotionnellement à affronter les difficultés qui l’attendent ; celles que nous venons de citer, mais aussi les pressions, remises en question ou agressions qu’il peut subir lui-même.

Dans les minutes qui précèdent l’arrivée des participants, l’animateur peut s’accorder un petit temps pour se concentrer sur l’introduction qu’il va présenter, sur le déroulement qu’il prévoit et, au-delà, sur ses capacités et fonctions essentielles d’animateur : être responsable du cadre, adopter une posture neutre, favoriser un dialogue constructif…

Pendant la réunion

Pendant la réunion, l’animateur peut être malmené par les moments difficiles que traverse le groupe : découragement, peur de ne pas y arriver, confusion sur l’attitude à adopter, tristesse ou colère par rapport à une agression qu’il subit… Pour éviter que de tels sentiments ne le déstabilisent, nous lui proposons de suivre un cheminement connu en matière de gestion des émotions ; cheminement que nous résumons en 3 étapes :

  1. Identification : l’animateur prend conscience de ce qu’il ressent dans la situation présente : « la réunion m’échappe, je ne sais plus quoi faire, je suis agacé… »
  2. Distanciation : « je prends de la distance par rapport à mes émotions pour qu’elles ne m’envahissent pas ; je regarde la scène avec distance (je « monte au balcon ») et je l’analyse, je respire…»
  3. Décision : l’animateur décide alors de la manière dont il va poursuivre la réunion ; « Et maintenant, comment je m’y prends ? »

Bien évidemment, les étapes ci-dessus se déroulent dans un temps très court (moins d’une minute ?), afin que l’animateur ne perde pas l’essentiel de ce qui est en train de se dire !

Autres solutions

Prévoir une pause et faire le point sur l’avancée de la réunion de façon bilatérale.

Prévoir des alliés en cas de coup dur : repérer préalablement des participants favorables à un dialogue constructif et dont la parole peut avoir du poids. Avant une réunion qui risque d’être difficile, il peut leur faire part de son besoin de soutien pour que le processus avance : « Merci de bien vouloir intervenir, si vous sentez que l’atmosphère se dégrade ! ».

Utiliser l’humour (pas la moquerie ni la dérision). L’humour doit être utilisé avec précaution, jamais avec les personnes en colère. En effet, une phrase ou un sourire mal placés peuvent être perçus par des personnes tendues comme inacceptables.

Place et rôle de l’animateur de concertation

Alexandra VILLARROEL

Méthode/outil

L’animateur est la pièce centrale de la réussite d’un processus de concertation

Ses missions :

  • Mobilisation des acteurs
  • Animation des temps de réunion
  • Suivi et évaluation du processus de concertation
  • Mise en place des outils et méthodes nécessaires

Ses savoir faire et savoir être :

  • écoute active et empathie
  • créativité
  • connaissances techniques et juridiques minimales sur chacun des domaines concernés, pour comprendre le contexte et les enjeux

Sa posture :

  • Il est garant de l’avancement du processus
  • Il doit être considéré comme légitime par l’ensemble des parties
  • Il ne doit pas prendre partie : posture neutre
  • Il assure si besoin la confidentialité
  • Il peut être extérieur ou intérieur au projet ou au territoire
  • Il peut s’appuyer sur une co-animation
posture dialog

Les fonctions de l’animateur
Préparation, sécurité, mémoire

Le dispositif de concertation comprend le travail de co-construction qui se fait au sein des différents groupes de travail. Le rôle de l’animateur dans ces groupes est central. Au-delà des qualités d’animation globales dont il peut faire preuve, il doit garantir que le cadre proposé permette au groupe de travail d’atteindre les objectifs fixés. Pour cela, il assure trois fonctions principales que nous détaillons ci-dessous.

La « Préparation »

Elle vise à rendre les réunions et le travail de groupe efficaces. Elle se décline en différentes tâches :

Situer l’étape de travail

Au vu du contexte et de la question à traiter, il faut définir les besoins des participants, c’est-à-dire l’étape de travail que la réunion doit permettre de franchir. On distingue principalement les 4 grandes étapes suivantes :

Découvrir – Comprendre/approfondir – Hiérarchiser/choisir – Agir/mettre en œuvre

Déterminer les objectifs de la réunion

Quel résultat vise-t-on à l’issue de la réunion, à quoi devons-nous parvenir, que devons-nous produire ?

Pour cela, il faut :

– Veiller à ce que l’objectif corresponde bien à un résultat à atteindre du point de vue des participants (cf. formulation des étapes ci-dessus).

– Vérifier que les participants ont bien les prérequis nécessaires à la réalisation de cet objectif, et que l’objectif est « réalisable » sur la durée de la réunion.

– Être attentif à ce que l’objectif soit perçu et accepté par tous, c’est-à-dire aboutir à une véritable « alliance de travail » entre l’animateur et les participants.

Choisir une (ou plusieurs) activité

Il s’agit de trouver la ou les tâche(s) qui vont permettre d’atteindre l’objectif fixé. Les tâches permettant de découvrir un sujet, de l’approfondir, ou encore de faire des choix sont différentes…

Élaborer le scénario, le déroulement de la réunion

On précisera les différentes séquences de la réunion qui vont concourir à l’atteinte des objectifs en mentionnant pour chacune : les contenus à aborder, les modalités de travail et leur enchaînement.

Préparer les ressources nécessaires

Des supports ou documents de travail, des documents d’information peuvent être nécessaires pour certaines séquences, ils doivent aussi être envisagés et réalisés à cette étape de la préparation.

Prévoir les modalités de suivi

Lors de la préparation on anticipe également la mise en forme des productions ou le compte rendu qui devra être fait de la réunion.

Organiser la logistique

Il s’agit de rédiger et d’envoyer les convocations, mais aussi de préparer la salle, installer les pôles de travail avec le matériel nécessaire, la configuration en grand groupe…

Acquérir une culture de thème

La préparation consiste aussi pour l’animateur à se familiariser avec les contenus clés du thème, du sujet afin d’être en mesure de capter le sens ou les nuances des idées des participants, de relancer les échanges, de clarifier les débats… Cela favorise l’obtention d’une production « riche » de la part du groupe en permettant à l’animateur de recueillir des idées nombreuses, complètes et variées. Pour une culture de thème acceptable, il faut pouvoir évoquer 10 à 15 idées différentes sur le thème traité. Cette culture permet aussi de se doter de grilles de lectures pour la mise en forme des échanges.

La « sécurité »

Elle vise à permettre à chacun d’avancer dans le travail en confiance. Elle se décline en deux aspects.

Vis-à-vis du groupe :

L’animateur est le garant du respect de l’alliance de travail et de la progression du groupe vers ses objectifs.

  • Il propose des supports pour faciliter le travail
  • Il propose des synthèses pour mettre en évidence la nature et le contenu des échanges, pour rendre apparente la progression.
  • Il recadre le travail et évite que le groupe « quitte » son objectif, s’éloigne de l’objet de la réunion.

Vis-à-vis de chaque participant :

L’animateur est garant que chacun soit entendu et compris, pour cela il est attentif à :

  • ne pas émettre de jugement de valeur (même positif) ni d’interprétations
  • prendre en compte la parole de chacun
  • clarifier les idées de chacun

Les techniques au service de cette fonction sont : l’écoute active, qui se décline en : reformulations, questionnements, synthèses ; l’animateur pivot de la parole ; l’utilisation du paperboard.

 La « mémoire »

L’animateur est le garant du travail produit et de sa valorisation : il est de sa responsabilité de garder et de mettre à disposition du groupe, les traces de ce travail :

  • Compte rendu
  • Relevé et suivi de décisions
  • Mise en forme des productions, contributions…

Ces traces sont communiquées à chaque participant (et à chaque personne concernée par l’objet de la réunion si nécessaire).

Vote et hiérarchisation
Hiérarchiser des choix, identifier des points de convergence et de divergence

Pierre-Yves GUIHENEUF

Méthode/outil 

CONCERTATION, OUTILS

Lors de processus de concertation, il est parfois nécessaire de faire des choix entre des options préalablement définies par les participants. Plusieurs méthodes permettent de hiérarchiser ou de prendre la mesure des accords et des désaccords

Le vote comme méthode pour emporter une décision est un procédé qui doit rester marginal dans un processus de concertation, où le principe est de rechercher des solutions consensuelles plutôt que d’imposer à l’ensemble d’un groupe les opinions de la majorité. De notre point de vue, il ne peut donc pas être utilisé pour sceller un accord. En effet, si les participants ne parviennent pas à se mettre d’accord sur ce qu’il convient de faire, trancher grâce au vote ne fera qu’occulter les divergences, générer des stratégies de résistance et repousser à plus tard les conflits, qui pourront même se radicaliser.
Par contre, le vote peut être utilisé pour prendre la mesure des positions d’un groupe à un moment donné, repérer les consensus et les dissensus afin de continuer à traiter ces derniers par le dialogue.
La hiérarchisation d’options possibles peut également ponctuer des étapes d’une concertation. Par exemple, on peut classer des thèmes de travail dans l’ordre où ils seront traités, ou des propositions en fonction de leur importance

Rappelons qu’un processus de concertation est habituellement composé d’une succession de phases et qu’il est souvent utile, lorsqu’il s’agit de formuler des solutions à un problème qui aura été préalablement cerné et analysé par le dialogue entre des participants dont les attentes auront-elles-mêmes été explicitées, de distinguer une phase d’émergence de solutions (phase de créativité, voir fiche sur ce thème) suivi par une phase de choix. C’est lors de cette phase de choix que des outils visant à hiérarchiser les préférences peuvent s’avérer utiles. Mais ils peuvent également être utilisés plus tôt, par exemple pour classer des sujets à aborder lors d’un diagnostic partagé, ou pour définir l’ordre des thèmes de réunions de travail.Il existe plusieurs techniques de vote et de hiérarchisation. Nous en présentons deux ici, qui sont assez courantes : les gommettes et le vote couleur.

Les gommettes

Cet outil permet de prioriser rapidement des choix existants. Par exemple si, à l’issue d’un tour de table ou d’une séance de métaplan, plusieurs thèmes de travail ont été listés par les participants, il est possible de les classer rapidement par ordre de priorité.

Le procédé est le suivant :

  • Les thèmes sont présentés sur un tableau de papier, ou sur des feuilles séparées disposées au mur.
  • L’animateur donne aux participants un même nombre de gommettes de couleur (matériel facilement disponible en papeterie). Chaque participant peut recevoir par exemple six gommettes.
  • L’animateur propose aux participants de se lever et de coller des gommettes en face des thèmes de travail énoncés, en fonction de leur importance ou priorité. Chaque participant peut attribuer trois gommettes au sujet qu’il estime prioritaire, deux au second et une au troisième.
  • Les gommettes sont comptées et un classement des thèmes est ainsi opéré.
    La méthode est rapide et le résultat rarement contesté. Il peut être judicieux de faire précéder le vote par un tour de table qui permet à ceux qui le souhaitent d’exprimer des critères de choix, tout en laissant ensuite aux participants leur liberté de décision.

Le vote couleur

Cette méthode ne permet pas de hiérarchiser mais d’évaluer par exemple une proposition et éventuellement de l’améliorer. L’animateur distribue aux participants des carrés de papier de couleur qui exprimeront leur opinion face à une proposition précédemment élaborée en concertation et soumise au vote. Par exemple :

  • Vert pour exprimer un accord
  • Rouge pour exprimer un désaccord radical (un veto)
  • Jaune pour exprimer un désaccord relatif, une opinion mitigée.
  • Blanc pour signaler l’absence d’opinion.

Les personnes ayant exprimé un vote rouge peuvent être invitées à proposer un amendement à la proposition qui leur est soumise, puis un nouveau vote est effectué immédiatement et sans débat. En fonction du nombre de votes alors exprimés, on maintient l’amendement, on en propose un autre ou on revient à la proposition précédente. Par essais successifs, on peut ainsi tester plusieurs formulations pour une proposition.

Il doit être clair pour les participants que l’objectif est de parvenir à des votes très majoritairement verts, que quelques votes jaunes ou blancs peuvent éventuellement subsister, et si possible aucun vote rouge.

Les cartes d’acteurs
Identifier les acteurs concernés et leur attribuer une place dans le processus de dialogue.

Pierre-Yves GUIHENEUF

Méthode/outil 

CONCERTATION, OUTILS

Les cartographies d’acteurs sont des schémas ou des tableaux qui fournissent une représentation des acteurs concernés par un projet ou un conflit ainsi que des relations entre eux. Elles peuvent s’avérer utiles au tout début de la construction d’un dispositif de dialogue territorial, pour mieux connaître le territoire et contribuer à définir la stratégie de concertation.

L’identification des acteurs « concernés » constitue une dimension incontournable dans un processus de dialogue territorial. Elle vise à identifier ceux qui agissent sur le territoire et/ou qui peuvent exprimer un avis au sujet de la question traitée, notamment afin de décider qui va être invité à participer au processus de dialogue et à quel niveau d’implication.

Le principe est de ne pas exclure a priori, cependant il peut être nécessaire d’adapter le nombre potentiel d’acteurs concernés avec les modalités du dialogue (et notamment aux processus de co-construction, de consultation ou d’information qui peuvent constituer une stratégie de dialogue). Il faut surtout veiller à ne pas omettre la participation de certains acteurs importants, soit par oubli soit par calcul.

Ces questions sont stratégiques et c’est pourquoi, si une cartographie des acteurs est réalisée, il est préférable qu’elle le soit collectivement et si possible avec la contribution des acteurs eux-mêmes. Quoi qu’il en soit, ces outils ne doivent pas être considérés comme normatifs, c’est-à-dire qu’ils ne doivent pas donner lieu à des règles en matière de participation : ce sont seulement des outils d’aide à la réflexion.
Comment réaliser une cartographie d’acteurs ? La première étape consiste en un inventaire le plus complet possible des acteurs concernés par le sujet. La seconde vise à les qualifier au moyen de critères à définir et qui concernent par exemple :

  • leur pouvoir et/ou leur légitimité à intervenir (pouvoir de décision, pouvoir d’action, pouvoir de blocage, usage du territoire concerné, possession de connaissances scientifiques ou empiriques, etc.) ainsi que leur propre demande de participation. La grille de Mitchell (voir plus loin) peut être utile à ce niveau.
  • leurs rapports avec le sujet traité (appui, opposition, etc.) et leurs relations entre eux (coopération, opposition, dépendance, absence de relation…). Le tableau des acteurs (voir plus loin) peut résumer ces éléments.

L’inventaire

L’inventaire initial peut être réalisé par l’animateur et les organisateurs de la concertation, par exemple à partir de leurs propres connaissances et à travers des entretiens avec des personnes-ressources connaissant le territoire. Des documents (comptes-rendus de réunions) ou la presse locale peuvent également être utiles. Enfin, les premiers acteurs identifiés peuvent être interrogés à ce sujet (« Qui d’autre, à votre avis, pourrait participer à cette concertation ? »). Les acteurs peuvent être des entités collectives (administrations, entreprises, associations, organisations professionnelles …), des individus (M. ou Mme Untel…) ou des groupes non organisés (les touristes, les riverains, les promeneurs, les citoyens…). L’objectif dans un premier temps est d’être exhaustif, à la fois pour des raisons d’équité (ouvrir la concertation à tous) et d’efficacité (éviter qu’elle ne soit contesté par un acteur qui aurait été « oublié »). Recouper plusieurs questions est un moyen de n’oublier personne : qui exerce une activité sur le territoire ? Qui pourrait être concerné directement ou non par le projet ? Qui pourrait avoir un avis à exprimer ?

On peut aussi s’aider de petites nomenclatures comme celle-ci pour éviter des oublis :

Types d’acteurs

  • Services de l’Etat
  • Collectivités territoriales
  • Acteurs économiques
  • Société civile
  • Police et justice
  • Acteurs non organisés

La grille de Mitchell

Le politologue Ronald P. Mitchell propose de classer les parties prenantes en fonction de trois critères : le pouvoir, la légitimité et l’urgence.

Le pouvoir est la capacité (exprimée ou potentielle) d’un acteur à imposer sa volonté aux autres. Ce peut être un pouvoir de décider, d’agir, de bloquer, de mobiliser les autres acteurs, etc. La légitimité est l’appréciation, par les autres acteurs (exprimée par exemple lors d’entretiens préalables à l’engagement du dialogue), que l’action du premier est légitime (désirable, convenable, appropriée…). Cette appréciation est subjective et dépend des visions de chacun. Enfin, l’urgence est le sentiment, par l’acteur lui-même, que sa propre demande (revendication à faire entendre, envie de participer…) est pressante ou importante.

Ces critères permettent de classer les parties prenantes en huit catégories. Ceux qui ont les trois attributs sont qualifiés d’acteurs « incontestables ». Ceux qui ont deux attributs (les acteurs potentiels) sont :

  • les « dépendants » (possédant l’urgence et la légitimité)
  • les « dangereux » (possédant pouvoir et urgence)
  • les « dominants » (possédant pouvoir et légitimité)

Ceux qui ont un seul attribut sont :

  • les « dormants » (pouvoir)
  • les « discrétionnaires » (légitimité)
  • les « demandeurs » (urgence)

Enfin, ceux qui n’ont aucun attribut sont qualifiés par Mitchell de « non-acteurs ». Sans considérer cette grille comme un outil normatif, il est possible d’utiliser ces critères pour aider à réfléchir le niveau d’implication de chacun dans le processus de dialogue. On peut dire par exemple qu’au moins les acteurs « incontestables » doivent appartenir au premier cercle du dialogue (groupe de co-construction), que les autres seront consultés ou associés de façon plus ponctuelle, etc.

Les cartes et tableaux

Il existe plusieurs façons de dessiner une carte des acteurs. Celle qui est présentée ci-dessous permet de visualiser la proximité des acteurs avec le sujet à aborder, ainsi que leurs relations avec celui-ci et les relations entre eux.

Il faut d’abord dessiner une cible, puis placer les acteurs identifiés sur celle-ci en fonction de leur proximité avec le sujet. Cette proximité peut être estimée par les connaisseurs du territoire en fonction de critères à expliciter (les plus actifs, ou ceux qui verront leur activité la plus affectée par le projet, ou…), ou définie grâce à la grille de Mitchell.

On peut ensuite, au moyen de flèches, représenter les relations de ces acteurs avec le sujet (ou le projet) en distinguant par exemple opposition, neutralité et adhésion. On peut aussi préférer de faire figurer l’existence ou l’absence de relations d’échange. Il faut noter que cette représentation est subjective (elle vise à clarifier les idées de ceux qui l’élaborent) et temporaire (les relations entre acteurs changent tout le temps).

Chercher à satisfaire les besoins, tenter d’apaiser les craintes, rassembler des moyens, identifier des intérêts communs : tout cela peut constituer les éléments constituants d’une stratégie vis-à-vis des principaux acteurs.

Les cartes d’acteurs peuvent être très diverses, de nombreux modèles sont disponibles dans les ouvrages spécialisés ou sur internet. On peut choisir par exemple, en fonction de l’intérêt que cela représente pour la concertation, d’y porter des éléments comme :

  • Les rôles des acteurs au regard du projet
  • Les compétences
  • Les relations de pouvoir
  • etc.

La « fleur des acteurs » (photo) élaborée par l’association Robins des Villes à propos de la rénovation d’un quartier urbain, met en scène des acteurs collectifs et individuels, leur nature et leurs relations entre eux.

Les matrices d’acteurs

Les matrices d’acteurs sont des tableaux à double entrée qui permettent de représenter les relations entre acteurs et leurs rapports à un sujet donné. Certains logiciels permettent de réaliser ces matrices et d’en tirer des analyses graphiques. Par exemple, le logiciel (gratuit) Mactor, part d’une liste des acteurs concernés par une situation de concertation, de l’identification des objectifs que chacun d’entre eux poursuit et de son positionnement sur des enjeux particuliers.

A partir des rapports de dépendance et d’influence qu’ont les acteurs les uns sur les autres, il est possible de mieux visualiser les relations entre eux, ce qui peut aider les animateurs à mieux appréhender les alliances stratégiques, les points de convergence et de divergence, les conflits potentiels…
Rappelons que ce type d’outil ne fait que représenter sous une forme graphique des éléments d’appréciation qui lui sont fournis et dont la qualité doit être vérifiée ! L’une de ses plus-values les plus manifestes réside dans le processus de réflexion collective qu’il permet.

Le Forum Ouvert
Un dialogue auto-organisé pour plusieurs dizaines à centaines de participants

Pierre-Yves GUIHENEUF

Méthode/outil 

CONCERTATION, OUTILS

Le forum ouvert (ou open space) est un mode d’organisation de débats pour des groupes de plusieurs dizaines à un ou même plusieurs milliers de participants.  Il permet de créer un espace de dialogue temporaire et (en partie) auto-organisé, de susciter des échanges francs et peu formalisés entre les participants, d’obtenir un grand nombre de propositions sur un sujet donné et en garder trace. Le forum ouvert est bien approprié à la mise en débat de questions complexes par des personnes nombreuses issues d’horizons divers et porteuses de points de vue différents.

Imaginé aux Etats-Unis dans les années quatre-vingts, ce dispositif s’est développé depuis dans de nombreux pays. Il peut s’insérer avec profit dans des démarches de concertation en constituant un moment de discussion peu formalisé mais néanmoins producteur d’idées nouvelles et susceptible de mobiliser un large public.

Principes

Il repose sur les principes suivants :

  • Le forum est ouvert à tout type de participant, intervenant à titre individuel ou en tant que représentant d’une organisation. Leur nombre est déterminé par la capacité d’accueil des locaux ; il est généralement élevé (plus d’une centaine de personnes).
  • Une question est posée aux participants. Elle peut être complexe mais doit être motivante et doit constituer un enjeu réel. Exemples : quelle politique de l’environnement pour la Région ? Quelles mesures pour le Plan climat de la collectivité ?
  • La diversité des participants et des points de vue représentées est un gage de succès.
  • Les participants s’engagent à rester présents pendant tout le forum ouvert, qui dure le plus souvent un à deux jours entiers (un week-end).
  • Les participants définissent l’ordre du jour, se répartissent en groupes de travail, échangent jusqu’à ce qu’ils jugent le sujet épuisé, changent de groupe ou en reforment d’autres, assurent eux-mêmes le secrétariat des groupes.
  • Il n’y a pas de discours en plénière, seulement un mot d’introduction par les initiateurs et une présentation de la méthode par les animateurs.
  • La production du forum n’a pas vocation à représenter l’avis de la population locale : c’est un moment d’échange et un outil créatif d’élaboration de propositions.

Les modalités

Présenter la méthode
La méthode du forum ouvert est peu habituelle, il faut la présenter et rassurer les participants sur son efficacité, par exemple en faisant état d’expériences antérieures. L’animateur énonce des principes, notamment celui qui dit que « les personnes qui sont là sont les bonnes » (c’est-à-dire que la solution aux problèmes vient de ceux qui sont prêts à se mobiliser et à discuter), que « ce qui arrive devait arriver » (inutile de s’attarder sur les « on aurait dû… »), que les échanges commencent quand les participants le souhaitent et qu’ils se terminent quand ils les jugeront terminés. Il offre à chacun la possibilité de se déplacer librement durant toute la durée du travail en groupes. Les quatre principes et la loi (voir encadré) résument cet état d’esprit et peuvent être affichés dans les locaux.

Quatre principes et une loi

Les quatre principes
  • Les personnes qui sont là sont les bonnes
  • Ce qui arrive devait arriver
  • Ça commence quand ça commence
  • Ça finit quand c’est fini.
La loi des deux pieds (ou de la mobilité)
  • Si vous n’êtes pas en train d’apprendre ni de contribuer, changez de groupe !

Des groupes libres et fluctuants

Les groupes se constituent sur la base de propositions de thèmes formulées par les participants eux-mêmes en session plénière au début du forum. Ceux-ci précisent leur nom et le thème qu’ils proposent. Ces propositions sont affichées sur un mur où les participants se rassemblent pour faire leur choix. Chacun est libre de quitter un groupe à tout moment sans formalité pour en rejoindre un autre ou pour prendre du repos s’il le juge nécessaire. Des participants peuvent également décider de passer d’un groupe à l’autre et de transmettre ainsi à certains ce qu’ils ont entendu ailleurs.

Ces groupes ne sont pas modérés par les animateurs du forum ouvert. Généralement, celui qui a proposé le thème introduit le sujet. Chaque groupe se dote d’un (ou plusieurs) secrétaire(s) choisi(s) parmi les participants, qui aura (auront) pour tâche de retranscrire les conclusions du groupe.

Plusieurs sessions de travaux de groupes peuvent être prévues pendant la durée du forum ouvert, par exemple une session consacrée aux constats et une autre aux propositions, séparées par un retour en plénière. Chaque jour, le groupe se retrouve en plénière pour faire un bilan de la session écoulée. En fin de forum ouvert, une brève restitution des discussions peut être organisée.

Un secrétariat des groupes

Si possible, des ordinateurs sont mis à disposition des participants et les secrétaires des groupes viennent y écrire leur rapport (généralement des constats, des analyses et des propositions). Ces rapports sont intégralement imprimés, au fur et à mesure de leur élaboration. Il sont alors affichés dans un endroit qui leur est réservé pour pouvoir être lu de tous à n’importe quel moment. Chaque participant en reçoit un exemplaire (remis pendant le forum ouvert ou envoyés par courriel, ou mis à disposition sur un site internet). Les animateurs n’interviennent en aucun cas sur le contenu de ces rapports.

La mise en œuvre

Une logistique nécessaire

Une invitation publique peut être faite par voie de presse, d’affichage, via les réseaux et internet. Le forum est ouvert à tous sans restriction mais une inscription préalable est utile pour prévoir la logistique en conséquence. Des locaux suffisamment vastes sont nécessaires, avec des espaces de mobilité (hall, jardin…) et de discussions informelles (coin repos, distributeur de café…). Des panneaux signalant les divers espaces doivent être préparés, des ordinateurs et imprimantes mis à disposition.

Une présence discrète des animateurs

L’esprit du forum ouvert réside dans la liberté des participants, qui y apprécient généralement le caractère informel des échanges et la liberté de ton. Cette liberté de parole et cette souplesse sont d’ailleurs des conditions de leur créativité. Une fois les consignes données et les règles de fonctionnement expliquées, les animateurs doivent donc rester discrets et peu directifs, mais prêts à aider et rassurer si nécessaire.

La question de l’information

Généralement, aucun moment formalisé de formation ou d’information des participants n’est prévu dans un forum ouvert. Chacun vient avec ses idées et c’est l’échange qui contribue à les enrichir. Cependant, rien n’interdit de mettre à la disposition des participants des éléments d’information pédagogique à lire sur place ou de constituer un dossier qu’ils pourront consulter préalablement sur internet (documents, interviews d’experts, etc.). Veillez à la pluralité des sources d’information : une information partiale sera mal perçue.

Que peut-on en attendre ?

Un élargissement du public

Dans des processus de concertation monopolisés par les représentants d’organisations, le forum ouvert constitue un moment d’ouverture au grand public qui peut s’avérer très utile.

Des échanges horizontaux

L’absence de hiérarchie entre participants (élus, experts, citoyens…) et la répartition en petits groupes favorisent des échanges libres où la langue de bois n’a pas sa place. Au-delà des statuts et des conventions, ce sont donc les idées qui sont débattues. L’égalité, la liberté d’organisation et la franchise des échanges sont généralement très appréciées des participants, y compris des institutionnels.

Un espace productif

Un forum ouvert permet de déboucher dans un temps relativement court sur un grand nombre de propositions et d’idées. Celles-ci devront ensuite être examinées au regard de leur faisabilité et de leur efficacité, mais la diversité des participants préserve déjà en partie du risque de propositions irréalistes.

Focus-groupes et ateliers d’acteurs
Des discussions entre pairs au sein de processus de dialogue plus vastes

Pierre-Yves GUIHENEUF

Méthode/outil 

CONCERTATION, OUTILS

Plusieurs formats de réunions peuvent être mis en œuvre dans le cadre d’un processus de dialogue territorial. Les focus groupes et les ateliers d’acteurs réunissent des « pairs » c’est-à-dire des personnes qui ont approximativement la même position par rapport au sujet, même si leurs opinions individuelles peuvent évidemment différer. Ce type de réunions peut par exemple contribuer à préparer la suite de la concertation.

Les focus groupes sont des espaces de discussion de quelques heures, rassemblant généralement entre 5 et 12 personnes. Ils sont utilisés par les organismes de sondage ou de marketing pour connaître les opinions d’un groupe de personnes sur un produit, un service ou une entreprise. Il ne s’agit pas d’apprécier la somme des opinions individuelles de chacun, comme le ferait une enquête ou un sondage, mais d’identifier les idées qui se dégagent de la discussion. Ce qui est observé dans le focus groupe, c’est donc l’interaction entre les personnes et les résultats de celle-ci au travers de l’évolution des appréciations ou des idées diverses émises par les participants. Ce choix repose sur le postulat que l’opinion d’une personne se forme notamment par la confrontation avec les avis des autres. Les focus groupes sont des outils qualitatifs dont les enseignements n’ont pas prétention à être extrapolés pour appréhender l’opinion de vastes secteurs de la société.

La notion d’ateliers d’acteurs est utilisée dans des processus de dialogue territorial pour qualifier des discussions à l’intérieur de petits groupes homogènes, par exemple composés d’agriculteurs, d’environnementalistes ou d’habitants d’un quartier, en vue de la préparation de rencontres multi-acteurs ultérieures.

Les ateliers d’acteurs ont donc ceci en commun avec les focus groupes d’être constitués de petits groupes de « pairs », des personnes ayant une position globalement semblable par rapport à un sujet traité et se reconnaissant comme des égaux. Cela ne signifie pas que leurs opinions ou leurs intérêts soient les mêmes, mais une relative proximité fait que le dialogue entre eux peut s’avérer plus facile qu’avec d’autres groupes d’intérêt.

Ces ateliers peuvent être mobilisés par exemple dans les cas où certaines catégories de population ne sont pas organisées et ne disposent pas de représentants. Ils peuvent faire émerger des positionnements qui seront ensuite présentés par l’animateur lors de la concertation. Ils peuvent également déboucher sur la nomination de porte-parole qui seront chargés de les présenter eux-mêmes. Ils peuvent contribuer à définir des intérêts communs. Ils peuvent enfin aider un représentant à prendre conscience de la diversité des intérêts du groupe qu’il représente et à mieux jouer son rôle de porte-parole.

Les modalités

Focus groupes et ateliers d’acteurs sont animés par un modérateur assisté d’un secrétaire de séance.
Des documents préparatoires peuvent être envoyés aux participants.
La réunion peut commencer par une présentation du contexte, de l’objectif de la réunion et des suites qui pourront être données. L’animateur précise l’horaire prévu et peut proposer des règles, notamment de courtoisie (chacun pourra parler mais est invité à respecter la parole des autres…). Il présente également son rôle ainsi que celui du secrétaire. Un tour de table de présentation est organisé, durant lequel l’animateur pourra inviter chacun à préciser sa situation et son intérêt pour le sujet traité.
L’animateur pose ensuite des questions, généralement en commençant par les plus générales, puis en allant progressivement vers des questions plus engageantes. Ces questions doivent donc être préparées à l’avance, même si une certaine souplesse doit être possible en fonction du déroulement de la réunion.

Les questions doivent être explicites. Il est préférable de ne pas inviter les participants à se justifier par des questions de type « Pourquoi… ? ».

L’animateur reformule régulièrement les propos, sans les juger ni donner son opinion, avec empathie et souci de compréhension.

Dans ce type de réunion, il est souhaitable d’autoriser les divergences d’opinion sans nécessairement tenter de les résoudre, mais en en faisant le constat et en invitant les participants à les analyser et notamment en identifiant les intérêts et les craintes de chacun. Les points de convergence et de divergence peuvent être relevés, ainsi que les éléments susceptibles de faire évoluer les positions. En conclusion, l’animateur peut proposer des éléments de synthèse, demander aux participants s’ils ont des propositions pour poursuivre ou si quelque chose d’important n’a pas été oublié. En termes d’animation, ce type de réunions ne pose pas de difficulté majeure.

Plusieurs réunions du groupe d’acteurs sont parfois nécessaires. Elles peuvent éventuellement se poursuivre pendant toute la durée d’une concertation pour accompagner l’évolution de celle-ci.
Le compte-rendu de la réunion doit être soumis aux participants avant diffusion à l’extérieur, comme pour toute réunion de concertation.

Le débat public
Mobiliser le public pour un échange d’arguments autour d’un projet

Pierre-Yves GUIHENEUF

Méthode/outil 

CONCERTATION, OUTILS, PARTICIPATION

Le débat public, au sens où l’entend la Commission nationale du débat public, est une procédure de consultation du public et de mise en discussion de grands projets d’aménagement. Tous ceux qui s’intéressent au dialogue territorial peuvent s’en inspirer pour créer des moments de discussion ouverts à tout public, notamment pour élargir les processus de concertation mobilisant des représentants de groupes organisés.

Un processus normé

Le débat public est une procédure réglementaire de consultation du public pour les grands projets, encadrée par la loi L.95-101 du 2 février 1995, dite Loi Barnier. Il est mis en œuvre par une institution indépendante, la Commission nationale du débat public (CNDP), qui a élaboré une méthodologie adaptée et qui est garante de son bon déroulement.

Il dure le plus souvent entre 3 et 4 mois. Son objectif est de présenter un projet d’aménagement (notamment ce qui est décidé et ce qui ne l’est pas, les options encore possibles, le calendrier décisionnel, les enjeux et les éléments en discussion) et de donner au public la possibilité de faire entendre ses points de vue, de poser des questions et d’obtenir des réponses.
Le débat public est basé sur trois grands principes : la transparence qui concerne notamment l’accessibilité et la clarté de l’information ; l’argumentation qui doit fonder les positions exprimées ; l’équivalence de traitement des points de vue. En théorie, c’est donc un débat sur le fond, argumenté et rationnel, entre des individus égaux et disposant d’une bonne information.

Le débat public se conclue par la remise d’un rapport aux décideurs présentant les arguments exposés et laissant ceux-ci libres de leur choix. Il constitue donc une procédure de consultation des citoyens (un recueil d’avis) et non pas de co-construction ou de rapprochement des points de vue. Il ne vise pas à élaborer des solutions de compromis et ses modalités s’y prêtent d’ailleurs assez mal. C’est un outil qui permet aux citoyens de mieux connaître les éléments d’un choix public et de se construire une opinion par l’écoute de points de vue contrastés. Aux yeux des décideurs, il permet de faire émerger des arguments qui n’auraient peut-être pas été identifiés préalablement et de prendre la mesure des réticences.

Les modalités

L’invitation à participer

Une information sur le débat, présentant le sujet traité et les questions en discussion, peut être organisée pour convier le public le plus large à participer. Elle peut par exemple passer par une distribution de documents dans les boîtes aux lettres, par l’installation d’une exposition dans les lieux publics (salles municipales, marchés…), la présence d’animateurs itinérants, des affiches dans les lieux publics, l’envoi de messages sur téléphones portables, etc.

Les réunions publiques

Si les réunions publiques ne sont pas le seul outil du débat public, elles en constituent le cœur. Elles sont ouvertes à tous et largement annoncées par voie de presse, par affichage public, par internet, etc. La CNDP recommande des réunions de 3 à 4 heures à des moments où le plus grand nombre puisse participer (par exemple entre 18 et 22h, en semaine), dans un lieu public facilement accessible et susceptible d’accueillir tous les participants, c’est-à-dire parfois plusieurs centaines de personnes.

La CNDP distingue plusieurs formats de réunions: les réunions publiques générales qui marquent les grands moments du débat (notamment le lancement et la synthèse), les auditions publiques dans lesquelles on donne priorité aux échanges, les réunions de proximité organisées dans différents points du territoire, les tables rondes thématiques centrées autour d’un sujet particulier, les conférences d’acteurs qui privilégient l’expression d’un ou plusieurs acteurs institutionnels, les ateliers pédagogiques centrés autour de l’apport d’information, etc.

Les échanges sont modérés par un président de séance ou un animateur. Ils sont généralement emprunts d’un certain formalisme : tribune, exposés initiaux, etc. Tous les participants peuvent demander la parole et celle-ci leur est donnée par ordre des demandes. La CNDP considère qu’il faut faciliter la parole de ceux qui y sont le moins disposés.

Des fiches permettant aux participants de faire des remarques ou de poser des questions par écrit peuvent être distribuées à l’entrée et sont recueillies pendant ou à l’issue de la séance.

Les cahiers d’acteurs

Il s’agit de documents (généralement de 4 pages) rédigés par des associations, collectivités ou institutions, mis en page par la CNDP. Ils sont mis à disposition du public lors des réunions et présentent la position d’un acteur collectif sur le sujet. La CNDP demande que cette position soit argumentée et que les propos tenus soient respectueux des autres parties en présence.

Le site internet

Un site internet dédié est ouvert pendant la durée du débat. Il présente les documents nécessaires à l’information du public : dossiers techniques, cahiers d’acteurs, etc. Il peut également proposer un forum ouvert à tout internaute, de façon à ce que les personnes qui ne peuvent assister aux réunions puissent cependant s’exprimer. Ce forum est animé par un modérateur qui peut limiter les débordements en veillant cependant à ne pas censurer excessivement les propos des participants.
La CNDP recommande la création d’une adresse de courriel pour chaque débat public, de façon à permettre aux participants de poser des questions. Les réponses doivent être envoyées sous 2 à 4 jours.

Le journal du débat public

Une présentation du débat peut être diffusée à plusieurs occasions sous forme d’un journal de quelques pages, distribué lors des réunions, mis à disposition sur le site internet ou envoyé par voie postale.

Le rapport final

Un rapport public est établi à l’issue du débat, en présentant le déroulement et la teneur des échanges, sans donner d’avis sur le fond. Ce rapport est remis aux décideurs pour leur permettre de faire un choix éclairé.

La mise en œuvre

Une commission particulière du débat public (CPDP) composée de quelques personnes indépendantes choisies par la CNDP est chargée de la préparation du débat, de l’animation et du secrétariat, ainsi que de la publication du rapport final. La logistique d’un débat public est lourde et doit être préparée à l’avance.

Le choix des dates, des heures et des lieux peuvent être stratégiques et doivent faire l’objet de discussions transparentes. La CNDP recommande une réunion préparatoire avec les principaux acteurs concernés, ouverte à tous. Le maître d’ouvrage peut y participer en tant qu’observateur. La presse n’est pas conviée pour garantir la liberté de parole.

Que peut-on en attendre ?

La transparence des choix publics

Le débat public est un outil privilégié d’information sur les choix publics, du fait de l’information mise à disposition et de la confrontation des arguments. Même quand les débats sont animés, le public prend connaissance de la diversité des positions et de la difficulté des arbitrages.

Une mobilisation large

Le débat public peut permettre une mobilisation relativement large de la population (en fonction du sujet) mais le public qui participe n’est pas représentatif de l’ensemble de la population : les opposants au projet y sont généralement surreprésentés.

Un renforcement des clivages ?

Le caractère public des débats, la présence des médias et la théâtralisation qui s’ensuit encouragent les comportements stratégiques des participants et sont peu sont propices au rapprochement des positions. Dans certains cas, le débat public exacerbe donc les divergences et personnalise les différends.

Les outils de créativité
Sortir des solutions «toutes faites» et stimuler la créativité des participants

Véronique DA SILVA

Méthode/outil 

CONCERTATION, OUTILS

Les outils de créativité interviennent dans le cadre de l’animation de réunions de concertation et plus précisément au moment de la recherche de solutions. Ils permettent de faire émerger des solutions sans être bridés trop précocement par l’impératif de réalisme. L’examen de la faisabilité n’intervient que dans une phase ultérieure.

Dans le cadre d’une démarche collective de résolution de problèmes, la conduite de réunions de concertation comprend généralement trois phases :

  1. L’identification et la priorisation des points de débats : l’animateur invite chaque partie à exprimer les problèmes rencontrés, les points de débat qu’elle souhaite aborder. L’animateur doit faire valider la liste des problèmes évoqués et amener les participants à prioriser les points proposés si besoin.
  2. Le passage des positions aux besoins : il s’agit pour l’animateur d’aider chaque partie en présence à passer de l’expression de ses positions (« nous voulons que … ») à l’expression de ses besoins (« nous avons besoin de … »). La reconnaissance des besoins de l’autre est une étape essentielle.
    C’est quand cette reconnaissance est amorcée qu’il devient possible d’aborder l’étape de la recherche de solutions.
  3. La recherche de solutions : l’animateur doit aider les parties en présence à ouvrir le champ des solutions possibles, il doit stimuler l’émergence d’un regard nouveau sur la situation.

L’animateur doit avant tout faire confiance aux parties dans leur capacité à trouver des solutions et veiller à ne pas se limiter trop vite par l’opérationnalité des solutions envisagées, au risque de brider la créativité du groupe.

L’attitude de l’animateur compte beaucoup : il doit mettre en confiance, accepter toutes les solutions, même celles qui peuvent apparaître inappropriées aux yeux de certains participants. Il lui faut rassurer ces derniers en leur indiquant qu’il est nécessaire de ne pas se censurer lors de cette étape et qu’il sera temps plus tard de choisir les solutions réalistes ou les plus satisfaisantes pour tous.
Il est possible de proposer aux parties de « laisser leurs casquettes au vestiaire » (voire de changer de casquette), pour ne pas être tenté d’évaluer ou de juger trop vite les solutions.

Des méthodes

Le brainstorming

Méthode classique de créativité, le brainstorming (ou remue-méninges, ou pluie d’idées) consiste à lister toutes les idées qui viennent à l’esprit d’un groupe de personnes sans porter de jugement ni débattre à leur sujet. Un certain climat de confiance doit être établi pour que la méthode fonctionne. L’animateur fixe les règles : pas de censure ni d’autocensure, pas de discussion sur les idées dans un premier temps, les idées farfelues sont bienvenues. Il pose une question et note sur un tableau de papier toutes les réponses apportées. Le rythme peut être rapide. A la fin de l’exercice, les idées sont classées et hiérarchisées par les participants.

On peut stimuler les idées en demandant aux participants de changer leur point de vue et de commencer leurs propositions par « Si j’étais agriculteur, je ferais… », puis « si j’étais chasseur… », « si j’étais enfant… »…

Le jeu de l’enveloppe

Diviser le groupe en autant d’équipes qu’il y a de problèmes à résoudre (4 à 5). Distribuer à chaque équipe une enveloppe sur laquelle est noté le problème à traiter. Demander à chaque équipe, non pas de le résoudre mais de définir des critères qui serviront à évaluer les solutions qui seront proposées par la suite (par exemple : originalité, facilité de mise en œuvre, coût…). Ces critères sont inscrits sur une feuille qui sera mise de côté jusqu’au retour de l’enveloppe. Donner un temps limité pour cela.
Chaque équipe passe son enveloppe à l’équipe suivante qui doit proposer une solution acceptable, la noter sur une carte et la glisser dans l’enveloppe. Puis chaque enveloppe passe à une autre équipe, qui étudie le nouveau problème qui lui est soumis et propose sa solution qu’elle glisse à son tour dans l’enveloppe. On répète ainsi le processus jusqu’à ce que l’enveloppe revienne à l’équipe de départ, celle qui a défini les critères d’évaluation des solutions. On peut faire un deuxième tour.

Puis, les enveloppes sont ouvertes et l’équipe en charge du problème découvre les solutions proposées. En utilisant les critères définis au début, elle hiérarchise les solutions.
Demander à chaque équipe de lire l’énoncé du problème puis les solutions, classées en fonction des critères qu’elle avait définis. Valider collectivement les solutions retenues au terme d’une discussion entre les participants.

L’arbre à idées

Il s’agit de dessiner un arbre dont on connaît le tronc (problème) et quelques fruits, pas les meilleurs en général (les idées spontanées). En partant des premiers fruits, on trace des branches (concepts ou approches) qui nous permettent d’attraper d’autres fruits (idées auxquelles on n’avait pas pensé)…
La formulation du problème doit être concise, et associer dans une même phrase les besoins de tous. Exemple : « Que pourrait-on faire pour préserver le caractère patrimonial de ce site tout en développant l’emploi et en assurant son accès au public ? ». Mieux vaut employer le « et » que le « ou » ou le « mais », qui opposent. On peut identifier différents problèmes et faire une formulation pour chacun.

On suscite ensuite un brainstorming. L’animateur peut aider chacun à mobiliser ses connaissances et expériences : « Vous qui connaissez bien…, savez-vous comment on pourrait… ? » « Y a-t-il déjà eu des problèmes similaires ; comment ont-ils été réglés ? »

En général, ce ne sont pas les meilleures idées qui viennent spontanément à l’esprit L’animateur peut « remonter en amont » d’une proposition pour saisir le concept, puis « redescendre » vers d’autres propositions : « Quand vous proposez d’offrir des chiens aux bergers (proposition), c’est une manière d’améliorer la sécurité des troupeaux face aux loups ? (concept). Comment pourrait-on y parvenir autrement ? Y a-t-il d’autres façons d’améliorer la sécurité des troupeaux ? »

Les conférences de citoyens
Obtenir un avis citoyen sur une question de politique publique

Pierre-Yves GUIHENEUF

Méthode/outil 

CITOYEN, CONCERTATION, OUTILS

Les conférences de citoyens sont des dispositifs consultatifs mis en place afin de répondre à une question de politique publique. Ils sont constitués d’un panel d’une à quelques dizaines de personnes, le plus souvent désignées par tirage au sort.

Développées dans de nombreux pays depuis les années soixante-dix sous des formes légèrement différentes, les conférences de citoyens constituent des dispositifs structurés de délibération ouverts à un petit groupe de personnes, sollicitées généralement par une puissance publique (l’Etat, une collectivité territoriale, etc.) qui a besoin, sur une question précise, d’un avis argumenté de simples habitants afin d’orienter sa décision.

Les conférences de citoyens sont nées du constat de carences d’autres modalités de participation :

  • le référendum permet de répondre à une question binaire, mais pas d’aboutir à des propositions ni de questionner la demande initiale ;
  • le sondage permet de recueillir des avis individuels quand les citoyens disposent d’une opinion déjà construite, mais sont peu utiles quand le sujet leur est mal connu ; ils ne permettent pas de formuler des propositions ;
  • le débat public ne permet pas des échanges approfondis entre les participants ni l’élaboration d’un consensus ; il est souvent monopolisé par les leaders d’opinions et les groupes organisés;
  • la concertation de parties prenantes (associations, professionnels, institutions) exclut le simple citoyen qui, quand il y participe, est souvent déconsidéré à cause de son manque de connaissance du sujet traité.

C’est donc pour ouvrir le dialogue à de simples citoyens que ces conférences sont mises en œuvre. Elles font le pari de la qualité de la réflexion et se basent pour cela sur une méthode rigoureuse et transparente. En revanche, elles ne concernent généralement qu’un nombre réduit de participants.
En Europe, des conférences de citoyens ont été organisées sur des sujets scientifiques et techniques (la bioéthique, les OGM…), sur des questions d’urbanisme (rénovation de quartiers), sur des aménagements (tracé de routes ou de voies ferrées) ou encore sur des politiques publiques (solidarité, jeunesse, transport, traitement des déchets, etc.).

Les modalités

La sélection des participants

Un panel comporte généralement entre quinze et cinquante participants. La modalité de sélection la plus classique est le tirage au sort sur des listes électorales, les recensements communaux ou l’annuaire téléphonique. Il peut être confié à un institut de sondage. La méthode des quotas (par sexe, catégorie socioprofessionnelle, âge, origine géographique…) peut être appliquée pour s’assurer que l’échantillon soit similaire à la population mais son utilité est relative car le panel est toujours trop restreint pour pouvoir être considéré comme véritablement représentatif. Elle permet cependant de rassurer les commanditaires. Le principal objectif doit être de disposer d’une diversité de participants pour encourager la richesse des débats. Habituellement, les personnes liées au sujet (à titre professionnel ou militant) sont exclues de l’échantillon pour éviter les conflits d’intérêts.
Outre le tirage au sort, on peut faire appel au volontariat (appel à candidature par voie de presse, etc.), au porte-à-porte, etc. Aucune de ces méthodes n’est exempte de biais. La participation effective des exclus (les pauvres, les immigrés, les analphabètes…) est toujours difficile.

Les participants doivent être volontaires et bien informés sur ce qu’on attend d’eux. Leurs frais sont remboursés et ils peuvent être indemnisés pour le temps passé.

Le processus

Une conférence de citoyens se déroule le plus souvent sur 4 à 6 journées non consécutives (par exemple trois week-ends séparés de 2 à 3 semaines). Le déroulement classique se structure autour de cinq étapes :

  1. La présentation des objectifs, des modalités de travail, des règles, des garanties données aux participants ;
  2. La fourniture d’une information, la plus complète et la plus neutre possible, sur la question traitée : éléments factuels, état des connaissances, controverses, enjeux… Cela peut se faire sous forme de documents écrits ou d’exposés.
  3. Des exposés et des débats autour de prises de positions diversifiées, voire contradictoires, données par des parties prenantes : politiques, professionnels, associations, experts, etc. Celles-ci sont le plus souvent recherchées par les organisateurs en fonction des demandes des participants lors de l’étape précédente.
  4. Une délibération des participants à qui on demande de rechercher l’intérêt général et de formuler une réponse à la question initiale, souvent sous forme de propositions argumentées.
  5. Une présentation de cet avis aux décideurs et au grand public.
Une équipe derrière le panel

Un comité de pilotage est généralement constitué pour superviser le dispositif, engager les animateurs et les autres personnes.

Une équipe d’animateurs met en œuvre les actions et la communication.

Un garant peut veiller à la qualité de l’information distribuée, à l’équilibre des positions présentées, à la neutralité des animateurs, à l’absence de pression sur les participants, etc. Il peut être composé, soit de personnalités extérieures (des « sages ») soit d’une diversité de personnes engagées, indépendantes du Comité de pilotage.

Pour assurer la transparence du processus, les débats peuvent être filmés ou enregistrés. Cela permet également de mieux en diffuser les résultats.

Que peut-on en attendre ?

La voix des citoyens

L’un des intérêts des conférences de citoyens est d’ouvrir un espace de participation à des profanes (qui doivent d’ailleurs être assurés que le fait qu’être néophyte est une qualité pour participer !). Leur vision est souvent différente de celle des politiques, des experts, des responsables professionnels et des militants associatifs. Au terme de ce processus de construction d’une opinion que constitue la conférence de citoyens, cette vision est également différente de l’opinion spontanée des habitants. On peut considérer que c’est celle qu’auraient ces derniers s’ils avaient, comme le panel, les moyens d’information et de discussion nécessaire pour se faire un avis. C’est en effet une position argumentée, issue d’arbitrages souvent délicats mais qui la rendent plus opérationnelle en termes politiques.

Délibération et construction d’un compromis

Même si les animateurs peuvent éviter de « forcer » l’obtention d’un compromis, les participants comprennent rapidement que leur travail n’aura d’impact que s’il débouche sur des propositions consensuelles. La recherche d’un dépassement de leurs divergences met parfois leurs nerfs à l’épreuve mais constitue un processus formateur. La délibération, c’est-à-dire la discussion entre pairs dans la perspective de la recherche de l’intérêt général signe la fin des simplismes et des « y’a qu’à… ». Les conférences de citoyens aboutissent généralement à des avis modérés et à des propositions réalistes.

Un rapprochement entre citoyens et décideurs

Les responsables politiques qui observent les Conférences de citoyens y trouvent des participants généralement constructifs et conscients de l’importance de leur tâche, aux antipodes de ceux qu’ils affrontent habituellement dans les débats publics. Quant à eux, les participants prennent conscience des difficultés des choix que doivent faire les décideurs. Ce climat contribue en général à une meilleure compréhension mutuelle.

Un arbitrage dans les conflits locaux ?

Il peut arriver que, à l’occasion de conflits entre décideurs ou avec des opposants à un projet, le recours à la vox populi que permet la conférence de citoyens apparaisse comme une possible procédure d’arbitrage. Le succès de cette option dépend de négociations préliminaires : les commanditaires et leurs opposants doivent s’accorder pour respecter l’intégrité du processus et en accepter les conclusions. Il est préférable alors qu’ils s’associent dans le comité de pilotage. Les opposants doivent être écoutés par les citoyens, tout comme les commanditaires. Les conférences de citoyens ne peuvent en aucun cas être considérés comme un moyen pour les commanditaires de contourner leurs opposants ou de faire évoluer le rapport de force en leur faveur.

Un outil dans un processus de concertation

Une conférence de citoyens ne dispense donc pas les décideurs d’une concertation avec les parties prenantes habituelles que sont par exemple les organisations professionnelles et les associations. Mais elle peut constituer un moyen pour tous les protagonistes de cette concertation de recueillir un avis supplémentaire, au même titre qu’ils peuvent recueillir l’avis d’experts pour faire progresser leur propre réflexion. La voix des simples habitants est en effet de plus en plus sollicitée dans les démarches de dialogue territorial. Cependant, selon les situations, d’autres moyens peuvent être mobilisés pour recueillir la parole citoyenne. Le choix de la méthode doit faire l’objet d’une réflexion collective pour être jugée légitime.

Jeux de rôles et systèmes multi-agents
Des outils pour simuler des situations dans des concertations locales

Pierre-Yves GUIHENEUF

Méthode/outil 

CONCERTATION, OUTILS

Les systèmes multi-agents (SMA) sont des modèles informatiques simulant des situations complexes, comme la gestion de territoires ou de milieux naturels. Dans le cadre de concertations en cours ou de formations, ils peuvent servir de base à la mise en place de jeux de rôles.

Objectifs

• Mieux comprendre les interactions homme-milieu
• analyser les pratiques de concertation
• tester des scénarios de gestion multi-acteurs
• lorsque les joueurs jouent leur propre rôle, rendre explicites leurs stratégies de gestion ou de concertation
• lorsque les joueurs jouent un autre rôle que le leur, prendre conscience des contraintes de l’autre.

Le principe

Autour d’une interface graphique, comme une carte ou un plateau de jeu, des joueurs représentant des acteurs locaux simulent des actions de gestion d’un territoire et le SMA calcule les effets de leurs choix sur l’évolution des ressources disponibles, de la végétation, de la faune ou du paysage. Cela permet aux joueurs de prendre conscience des conséquences de leurs actions et de la nécessité de se coordonner entre eux pour atteindre les buts recherchés.

Les modalités de concertation sont laissées au libre choix des joueurs ou de l’animateur du jeu. La spécificité des SMA est d’obliger les joueurs à prendre en compte les réponses du milieu à leurs actions, celui-ci intervenant en quelque sorte dans le jeu.

Le jeu est sensé refléter la réalité des interactions entre les actions des joueurs et l’évolution du milieu, car leur compréhension est l’un des buts de l’outil. Cela suppose, de la part du programmateur, l’introduction préalable d’un certain nombre d’hypothèses dans les systèmes d’équations qui composent le modèle. Cette introduction n’est évidemment pas faite au hasard et passe par l’observation préalable de la réalité, et en général par la mobilisation de travaux de recherche. La conception et la mise en œuvre d’un SMA requièrent aujourd’hui un investissement, financier et en temps, relativement important.

Les SMA sont développés principalement par des équipes de recherche et les jeux de rôles qui en sont dérivés sont utilisés à titre expérimental. Il en existe une grande diversité, chacun d’entre eux simulant un milieu particulier : une rizière au Laos, un récif corallien dans le Pacifique, un périmètre irrigué au Sénégal, un bassin hydrique en Ardèche, une roselière en Méditerranée, etc. Chaque SMA représente donc un contexte spécifique défini par une situation, des types d’acteurs, des actions possibles, les réponses du milieu, etc.

Voir des vidéos sur ce site :

Simul’EAU – Se coordonner pour gérer des ressources en eau

Du terroir au pouvoir – Jeux et concertation au Sénégal

Un exemple : ButorStar

ButorStar est un jeu de rôles basé sur un SMA qui simule le fonctionnement d’une roselière en région méditerranéenne.
Chaque joueur dispose d’une carte représentant la frange d’un étang plantée de roseaux, découpée à la façon d’un échiquier. Des couleurs simulent différents types de milieu : prairie, friches, roselière, eau…
Le jeu, prévu pour 2 à 12 joueurs, met en scène des chasseurs, des éleveurs, des exploitants de roseaux, des naturalistes et le maire de la commune. Répartis autour de différentes tables, ils peuvent, en fonction du rôle attribué, réaliser certaines interventions sur le milieu : chasser, couper le roseau, faire pâturer un troupeau, acheter ou vendre du bétail, créer des digues, réaliser des comptages d’oiseaux, solliciter des subventions publiques, réaliser des aménagements divers… Ces règles du jeu sont issues d’observations de situations réelles et peuvent être modifiées par le maître du jeu pour s’adapter à de nouvelles situations. Chaque intervention a un coût et chaque acteur dispose d’un budget, qui évolue au cours du jeu en fonction de son activité, mais également en fonction des effets sur le milieu des pratiques des autres joueurs.
En outre, le niveau d’eau dans l’étang doit être défini périodiquement par les joueurs au terme d’une concertation qu’ils ont toute liberté d’organiser.
Régulièrement, leurs options sont transmises à un opérateur qui les saisit sur un ordinateur. C’est le SMA qui détermine, en fonction des dynamiques écologiques du milieu naturel, les résultats attendus de l’action combinée des joueurs.
Les dynamiques de dialogue ne sont donc pas définies par le jeu. C’est aux joueurs de décider s’ils doivent ou non se concerter, et de quelle façon. Les objectifs de chacun ne sont pas prédéfinis et il revient aux joueurs de les formuler. Après les séances de jeu, une discussion s’engage sur les enseignements qui peuvent en être tirés, sur les similitudes et les écarts entre le jeu et la réalité, sur les perspectives pour l’action.
« Ca m’a aidé à discuter et à comprendre les problèmes de tout le monde. C’était un jeu, mais derrière ça, c’était la réalité » déclare ainsi un participant.
Développé par Raphaël Mathevet (CNRS de Montpellier), ButorStar a été expérimenté en 2007 par des acteurs locaux du département de l’Hérault afin de leur permettre d’analyser collectivement leurs actions de gestion d’un étang. Information sur ButorStar : http://cormas.cirad.fr/fr/applica/butorStar.htm.

Déroulement-type d’un jeu de rôles assisté par un SMA

  1. Dans une situation qui leur est proposée, des joueurs doivent décider d’actions individuelles ou collectives à mener sur un territoire.
  2. L’opérateur saisit ces choix sur un ordinateur afin que le SMA calcule les effets prévisibles sur l’évolution du milieu.
  3. Les résultats sont communiqués aux joueurs.
  4. Les joueurs en prennent connaissance et, s’ils le souhaitent, se concertent pour ajuster leurs actions et faire de nouveaux choix.
  5. Les choix sont saisis et l’évolution du milieu est recalculée par le SMA.
  6. Les joueurs se concertent à nouveau et réajustent leurs actions.
  7. Après plusieurs tours, les joueurs discutent des enseignements du jeu et des conséquences qu’ils en tirent pour leur action quotidienne.

Que peut-on en attendre ?

Clarifier les objectifs

En introduisant l’espace et le temps dans un exercice de dialogue entre acteurs locaux, les SMA facilitent l’appréhension des problèmes que pose la gestion de systèmes complexes et de processus de long terme. Cependant, un jeu de rôles assisté par un SMA n’est pas une scène de concertation en soi, c’est un outil dont le principal objectif est de constituer un espace de réflexion collective destiné à stimuler le véritable processus de concertation, grâce à :

  • la discussion des effets combinés des actions des joueurs sur le milieu et des interrelations entre elles ;
  • la création d’une situation de concertation fictive et la prise de recul critique par rapport à la concertation réelle ;
  • le partage, par les acteurs locaux eux-mêmes, de leurs connaissances et de leurs stratégies ;

Certains chercheurs utilisent ces jeux de rôles pour co-construire des scénarios de gestion applicables ensuite dans la réalité, mais d’autres estiment cela risqué, compte tenu des écarts toujours possibles entre le modèle et la réalité, de l’incertitude des paramètres introduits, du nombre restreint de joueurs, etc. Si cela doit être entrepris, il convient d’analyser les résultats avec prudence et de les valider ultérieurement.

Les objectifs de type « Faire prendre conscience aux acteurs locaux que… » doivent être examinés avec prudence afin de ne pas plaquer sur eux des problématiques qui leur sont étrangères ou qu’ils ne jugent pas prioritaires. Il ne faut pas confondre non plus les objectifs de recherche poursuivis par des scientifiques et ceux des acteurs locaux. Enfin, attention au mythe de l’outil miracle qui résoudra des difficultés méthodologiques mal identifiées. Par exemple, si un jeu de rôles peut contribuer à engager un dialogue sur les pratiques et représentations des acteurs locaux, il ne peut pas à lui seul les faire passer de l’opposition à la collaboration. Un climat de confiance (entre eux et avec l’animateur) est indispensable afin que les joueurs ne dissimulent pas leurs véritables stratégies.

Un objet médiateur

Le jeu de rôle assisté d’un SMA constitue espace de dialogue fictif, ludique et dépourvu d’enjeu décisionnel, mais suffisamment proche de la réalité pour permettre l’expression par les acteurs locaux de leur vision de cette réalité. C’est une sorte d’objet médiateur qui offre un cadre sécurisé de débat et d’expression des participants. Pour cela, une certaine similarité entre la réalité et le jeu est nécessaire.

Le statut des savoirs

La majorité des SMA mobilisent des savoirs scientifiques, considérés comme des gages de crédibilité. Il est possible d’y intégrer également les savoirs empiriques des acteurs locaux, après la mise en débat d’éventuelles controverses. La critique des hypothèses du SMA par les joueurs peut s’avérer productive, sous réserve que l’animateur soit apte à répondre aux questions ou organiser leur traitement ultérieur, sans les évacuer. A cette condition, les joueurs peuvent entrer dans la « boîte noire ».
L’indispensable débriefing

La discussion postérieure au jeu est incontournable. Elle permet aux joueurs de prendre de la distance et de tirer des enseignements pertinents. Elle peut être guidée par les questions suivantes :

  • Le jeu vous paraît-il réaliste ? (critique et identification des écarts avec la réalité)
  • Pouvez-vous expliquer vos choix ? (explicitation et confrontation des pratiques, visions, savoirs, objectifs…)
  • Qu’avez-vous appris ? (perspectives).

L’expérience montre que les joueurs conservent toujours une possibilité de dissimulation ou de provocation au cours du jeu. Cela est d’autant plus important quand la confiance ou la transparence manquent, ce qui peut être le cas si les relations sont tendues ou le contexte incertain. Dans aucun cas, le jeu ne peut donc être utilisé pour connaître les stratégies réelles des acteurs locaux, mais d’éventuelles incohérences entre le jeu et la réalité peuvent être relevées afin d’être discutées.

Perspectives

Mettre en œuvre un SMA

La mise au point d’un modèle informatique suppose un investissement important, à la portée cependant d’une association ou d’une collectivité territoriale pour peu qu’elles sachent s’entourer de professionnels compétents. Cela suppose cependant :

  • que des données (naturalistes par exemple) soient disponibles en ce qui concerne les dynamiques territoriales concernées ;
  • qu’un informaticien puisse mobiliser les bases logicielles existantes pour construire un SMA adaptée à la problématique locale ;
  • qu’un animateur soit formé à l’utilisation des SMA et des jeux de rôles.

L’expérience montre le rôle décisif de l’animateur. Très présent, il fixe les règles du jeu, guide son déroulement et son rythme, peut introduire des événements imprévus, organise le débriefing, répond aux questions des joueurs, etc. Il existe un risque que cette forte présence ne soit utilisée comme outil de pouvoir.

Des outils pour la formation

Les jeux de rôles, en invitant les participants à adopter une posture active et en présentant un côté ludique, les mobilisent, suscitent leur curiosité et introduisent de façon utile des apports de connaissances à détailler ultérieurement sous une forme plus conventionnelle. Là encore, le débriefing constitue une étape indispensable et suppose la présence d’un animateur disposant des compétences nécessaires

Et dans l’avenir ?

Pour le moment, les SMA restent des outils expérimentaux. Dans l’avenir, peut-on imaginer que des modèles informatiques maniables et polyvalents soient disponibles sur le marché, comme cela est déjà le cas dans le domaine du management ou des process industriels ? Dans ce cas, des précautions devront sans doute être prises pour éviter de possibles dérives.