Délibérer en politique, participer au travail : répondre à la crise démocratique

Les insuffisances de la pratique de la démocratie au quotidien dans l’espace public
et le manque de débats et de participation dans les entreprises se renforcent. Les
faibles possibilités d’expression et de dialogue là où l’on travaille ajoutent aux
frustrations des citoyens là où ils vivent.
Aux yeux de beaucoup, la démocratie ne fonctionne pas de façon satisfaisante. Cela
se traduit par une désaffection et, depuis quelques mois, par l’expression d’une
colère. La société et les individus qui la composent ont profondément changé alors
que le fonctionnement de nos institutions et le comportement de ceux qui les dirigent
ont, eux, continué à fonctionner globalement de la même manière. Et ce qui est
frappant dans la vie politique l’est aussi dans l’entreprise : les décisions sont souvent
prises sans que les personnes concernées se sentent véritablement impliquées.
C’est ce parallèle entre les intermittences de la démocratie dans l’espace public et le
manque de dialogue dans les entreprises et les organisations que nous voulons
explorer.
Pourtant, les règles obligeant la puissance publique ou les dirigeants d’entreprise à
discuter avec les citoyens ou les parties prenantes se sont multipliées depuis
quarante ans. Qu’est-ce donc qui empêche la démocratie participative et le dialogue
au sein de l’entreprise de gagner en intensité ? Il semble qu’une culture de l’autorité
fondée sur la hiérarchie et la verticalité soit toujours préférée à une autorité fondée
sur la compétence, la confiance, la coopération et, finalement, l’adhésion.
Nous proposons ici une série de changements qui visent moins à transformer les
institutions et les organisations que la pratique des responsables ou des dirigeants.
Pour cela, nous préconisons de mettre en place quelques mécanismes juridiques,
peu nombreux mais que nous croyons efficaces, tant dans la vie politique que dans
la vie au travail.
Dans la vie politique, nous proposons un dispositif qui permettra, par son
indépendance, son statut et ses moyens, de mieux articuler la démocratie
représentative et la délibération citoyenne. Cela passe par un net renforcement du
rôle de la Commission nationale du débat public et de la participation citoyenne
(CND2PC). Nous proposons aussi de simplifier l’organisation territoriale de la
République et de créer au niveau national (et de rendre opérationnel au niveau local)
un droit d’interpellation citoyenne.
Dans l’entreprise, nous proposons de renforcer tous les mécanismes qui favorisent
le dialogue au sein des collectifs de travail, entre les partenaires sociaux comme
entre les salariés et les directions. Ainsi, nous préconisons que les dispositions de la
loi Pacte concernant la raison d’être des entreprises se traduisent par un débat
participatif associant les salariés au sein de chaque entreprise. Nous proposons
également que les organes dirigeants des sociétés, quel que soit leur statut, intègrent
un tiers de salariés dès lors que l’entreprise compte plus de 1 000 collaborateurs.
Nous recommandons de mieux préparer le recours au référendum d’entreprise en
faisant en sorte qu’il soit précédé d’études d’impacts réalisées à l’initiative des
organisations syndicales et du Comité social et économique.

 

Les auteurs :

  • Gilles-Laurent Rayssac, président de Res publica, un cabinet de conseil spécialisé dans le dialogue collaboratif, et enseignant à Sciences Po et à la Sorbonne
  • Danielle Kaisergruber, experte des questions sociales, directrice de DKRC et rédactrice en chef de la revue en
    ligne Metis Europe
  • Martin Richer, directeur de Management & RSE et responsable du pôle Entreprise Travail & Emploi de Terra Nova