REVUE DE PRESSE
Nous rassemblons des articles de presse, parus pendant la première période de confinement, sur la démocratie et la participation suite à la crise du covid-19. Les éléments-clés en trois points :
1. La pandémie de covid-19 constitue une épreuve pour les démocraties, qui seront jugées à l’aune de leurs résultats. Elle pourrait susciter des désirs d’autoritarisme, au prétexte d’un indispensable redressement. L’action publique en sortira-t-elle grandie ? Les analyses divergent à ce niveau.
2. La situation montre en tous cas que les Etats ont des cartes en main pour agir sur l’économie et la société. Pourquoi ne pas s’en servir pour impulser des changements qu’on prétendait jusqu’alors impossibles à amorcer ? Les propositions fleurissent.
3. Et la participation citoyenne dans tout cela ? Elle est nécessaire pour plusieurs raisons : améliorer l’acceptabilité sociale des choix qui seront faits ; prendre en compte les savoirs de chacun alors que la crise a mis en évidence les inégalités de situations et de vécu des citoyens. Passe-t-elle nécessairement par le numérique ? Sans doute pas exclusivement…
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Sociétés autoritaires et démocratiques mises en concurrence
La crise invite les autocrates du monde entier à recourir à l’autorité. Les conséquences sociales et économiques peuvent fragiliser ceux d’entre eux qui auront fait le choix de l’insouciance (Etat-Unis, Brésil, Royaume-Uni, Inde…) et renforcer ceux qui auront fait preuve de volontarisme (Chine, Corée du Sud). Les institutions fondées sur la transparence, la réactivité, la responsabilité et l’état de droit arriveront-elles à atténuer les crises de santé publique et à maintenir la stabilité sociale et économique ? Les stratégies des gouvernements démocratiques et autocratiques sont mises en concurrence. Pour certains, la victoire de la démocratie est loin d’être assurée ; pour d’autres, la crise pourrait amplifier dans certains pays les demandes envers plus de démocratie.
COVID-19: Can democracy cope ?
Democracy digest (Etats-Unis). 27 mars 2020
Dictadura o Democracia: ¿Qué régimen se enfrenta al COVID-19
con más éxito? Efecto Naim (Venezuela). YouTube, 27 avril 2020
Dans un article publié par un journal argentin, Michel Wieviorka, sociologue auteur de « Pour une démocratie de combat » (Robert Laffont, 2020) précise que, dans cet affrontement entre démocratie et autoritarisme, ce n’est pas seulement l’action de l’Etat qui est déterminante mais aussi la culture et l’histoire des sociétés, leurs rapports à la discipline, leur confiance dans la science, leur vision du collectif.
Frente a la pandemia, ¿democracia o autoritarismo?
Clarin, 30 mars 2020.
Pour le politologue germano-américain Yascha Mounk, les situations extrêmes renforcent les oppositions : «Si les démocraties échouent, cela donnera des arguments aux tenants des régimes autoritaires».
En France, la crise peut profiter aux populistes
Le Parisien, 4 avril 2020
Les libertés ébranlées ?
Le site Euro Topics craint que des mesures prises dans certains pays lors du confinement représentent des menaces sur les libertés individuelles. Analyse similaire du politologue néerlandais Cas Mudde, pour qui la rhétorique guerrière des dirigeants mondiaux est dangereuse, et avertissement de Gaspard d’Allens du magazine Reporterre.
Covid-19: democracy also in crisis?
Euro Topics. 27 mars 2020
Ne sacrifions pas la démocratie sur l’autel du coronavirus !
Courrier international, 3 avril 2020
Au nom du coronavirus, l’État met en place la société de contrôle
Reporterre, 6 avril 2020
Autoritarisme ou solidarité ?
Pour Alain Chouraqui, directeur de recherche émérite au CNRS, les déstabilisations économiques, financières et sociales et en particulier l’augmentation du chômage, l’autoritarisme pourrait tenter une partie de la population confiante dans un « ordre nouveau » et habituée aux atteintes à ses libertés durant la crise sanitaire.
« Le feu couve » pour la démocratie
Ouest France, 30 mars 2020
Au contraire, Simon Langlois, Professeur retraité de l’Université Laval (Québec) estime que la crise provoquera « une remontée de la confiance envers la sphère politique, très malmenée ces dernières années, au Québec comme ailleurs dans le monde démocratique». On redécouvre en effet l’importance de l’État, de la solidarité familiale et communautaire, de la préoccupation pour la santé et le bien-être de tous. Ces valeurs devraient ressortir renforcées une fois la crise passée.
Ce qui va changer après la crise sanitaire mondiale
Le Devoir, 30 mars 2020
Pour Jacques Attali, la crise va amener de toutes façons à réaffirmer le rôle de l’Etat dans l’économie. Il faudra en effet reconvertir l’économie vers « l’industrie de la vie » : santé, recherches, services publics… Et tout cela passera par l’Etat. Il estime que le retour à la situation antérieure est malheureusement le scénario le plus probable. Une autre possibilité est d’aller vers une société totalitaire utilisant les nouvelles technologies pour imposer des règles. Dernier scénario : celui d’une autorité basée sur plus d’empathie et plus de technologie.
Coronavirus : le monde d’après
C l’hebdo. 28 mars 2020
Pour Bruno Latour, sociologue et philosophe des sciences, si on ne profite pas de cette situation incroyable pour changer, c’est gâcher une crise. «Surtout, ne repartons pas comme avant : il faut imaginer les gestes-barrières contre le retour à la production d’avant-crise. On a un arrêt général et il serait terrifiant de ne pas en profiter pour infléchir le système de production qui nous mène à la catastrophe. On disait que les Etats ne pouvaient rien et on voit que les États peuvent s’imposer. Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour voir ce qu’on garde ou pas, c’est gâcher une crise, c’est un crime».
Si on n’en profite pas pour changer, c’est gâcher une crise
France Inter, 3 avril 2020
Imaginer les gestes-barrières contre le retour
à la production d’avant crise bruno-latour.fr. 29 mars 2020
Webinaire avec Bruno Latour
YouTube ICPC, 18 mai 2020
D’ailleurs, les propositions fleurissent pour profiter d’une situation historique exceptionnelle. Derrière elles, on sent la crainte que les préoccupations pour l’environnement ne soient passées au second plan dès la sortie de la crise.
Plus résilient, plus sobre, plus solidaire… des pistes
pour imaginer « le monde d’après » Le Monde, 6 avril 2020.
Crise sanitaire : les propositions se multiplient
pour penser un après plus écologique Reporterre, 7 avril 2020.
Un exemple qui montre que des évolutions rapides sont possibles : dans le monde de la recherche, la pandémie a donné un coup d’accélérateur aux démarches coopératives dans le monde entier.
Le coronavirus est une chance pour l’intelligence collective
Slate, 8 avril 2020
La philosophe Cynthia Fleury estime que le retour à la situation antérieure, s’il est souhaité par certains, n’est pas acceptable. « Le seul pari viable pour réinventer le monde de demain, nous dit-elle, c’est de créer du nouveau plus juste pour que demain soit simplement plus vivable. Cela implique de mettre en place de nouvelles manières de travailler, d’enseigner, de protéger la santé et la recherche».
Il faudra combattre ceux qui diront qu’il faut continuer comme avant
RTBF, 9 avril 2020
Pour cette fondation publique du Royaume-Uni, la situation offre une opportunité unique aux civic techs de développer leurs solutions pour « combler le fossé entre décideurs et citoyens ».
Participatory democracy in times of COVID-19
Westminster Foundation for Democracy (WFD), 6 avril 2020
L’Institut du Nouveau Monde (Québec) juge également indispensable de développer les usages du numérique qui a encore des potentiels inexplorés, mais en gardant à l’esprit que la participation en ligne génère rarement dans ses usages actuels autant de valeur que les rencontres en présentiel.
La démocratie en quarantaine
Le Devoir. 28 mars 2020
L’usage exclusif du numérique crée une rupture d’égalité pour les citoyens, alertent les juristes (voir notre note). La Commission nationale du débat public recommande de maintenir les moments en présentiels en adaptant les modalités
Principes, formes et modalités du débat public
pendant l’épidémie Covid-19 CNDP, 4 mai 2020
Pour Jo Spiegel, maire de Kingersheim, la crise actuelle impose de construire du commun. « Comment associer les citoyens, comment coproduire de l’intérêt général, comment susciter le « pouvoir d’agir » des citoyens ? C’est tout l’enjeu, pour ceux qui sont en responsabilité, d’un vrai retournement démocratique ».
L’opportunité unique d’engager un retournement démocratique
La Tribune, 10 avril 2020
Et si on déconfinait la démocratie ?
L’Echo, 28 avril 2020
Emmanuel Hirsch, Professeur d’éthique médicale à l’Université Paris-Sud – Paris Saclay réclame une plus grande participation citoyenne, pour deux raisons principales. La première, c’est la nécessité de d’améliorer l’acceptabilité des décisions qui seront prises et notamment au cours de la sortie de la phase aigüe de la crise. « L’exigence de démocratisation des arbitrages conditionnera leur recevabilité. » La seconde raison, c’est que la participation permet de mobiliser des savoirs divers. « Ce qui aura manqué ces dernières semaines c’est une véritable considération à l’égard d’une expertise de terrain, de ces réalités « du front » qui aspiraient davantage à être prises au sérieux ». Il appelle à l’organisation d’une plateforme participative sur le thème : « Vivre ensemble avec le Covid-19, nos priorités, nos choix, nos objectifs».
Covid-19, une concertation démocratique désormais nécessaire
L’Obs, 11 avril 2020
Après-confinement : un grand débat citoyen est urgent et indispensable
Libération, 24 avril 2020
Mobiliser toutes les compétences : c’est l’argument de l’économiste Jean Gadrey pour appeler à plus de dialogue pour affronter la crise de confiance croissante entre les citoyens, l’Etat et les scientifiques. « Il faut faire fonctionner une démocratie sanitaire et sociale de croisement des savoirs incluant non seulement des spécialistes de diverses disciplines, mais aussi des représentants de groupes de personnes concernées, usagers, syndicats, etc. »
Sacrifier la démocratie aboutit à de déplorables décisions
Alternatives Economiques. 20 avril 2020
Le même argument est repris par le journal belge Le Soir au nom de l’inégalité de vécu et surtout d’exposition aux risques sanitaires et socio-économiques des citoyens pendant la crise sanitaire. « Les experts sont omniprésents depuis le début de la crise. Premier concerné, le citoyen devrait être étroitement associé aux décisions prises. Les panels citoyens en d’autres occasions ont déjà prouvé leur efficacité.» L’article invite à faire appel à l’intelligence collective et à oser l’innovation démocratique.
Donner la parole aux citoyens, pour sortir ensemble du confinement
Le Soir. 24 avril 2020
Pour Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’homme, le virus ne sera pas vaincu sans démocratie : restauration de la confiance et vivacité du débat sont nécessaires à la libération des initiatives qui permettront la remise sur pied de la société.
Urgence sanitaire, démocratie sous respirateur ?
Médiapart, 27 avril 2020
Ilaria Casillo, vice-présidente de la Commission nationale du débat public, déplore l’incapacité du pouvoir politique central à prendre en compte le citoyen dans la fabrique des décisions en temps de crise. La mobilisation des savoirs issus de l’expérience n’est pas d’actualité malgré le caractère inédit de la situation. Pourtant, l’expérience montre que « l’inclusion des citoyens dans la fabrication des données et des savoirs scientifiques produit une société plus résiliente et des choix politiques plus réversibles.»
À quoi servent les citoyen·ne·s face à la crise du Covid-19 ?
AOC, 30 avril 2020
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