
ambitions pour la participation citoyenne pour 2026
Les enjeux
La pratique de la participation citoyenne se construit depuis bientôt 25 ans en France. Elle a connu des avancées importantes (à travers notamment les lois de 2001, de 2012, de 2016 et les pratiques associées) qui se sont matérialisées par l’émergence de professionnel.les dans les collectivités, les services de l’Etat, les entreprises de conseil et le monde associatif. De plus en plus de Français ont été en et sont en présence de dispositifs de participation qui s’enrichissent et s’emboitent.
La démocratie participative s’est installée dans le paysage politico-administratif avec différentes formes de démocraties, qui coexistent, via une palette diversement mobilisée selon les échelles, les volontés politiques ; un corpus de professionnels formés et avec des savoir-faire identifiés dans nombre d’institutions ; un éco système qui s’est organisé, un marché d’ingénierie spécialisée constitué. Le champ de la participation est à la croisée de la transition environnementale, des changements de comportements et des modes de vie, de l’inclusion et de la vitalité démocratique de la société, mais elle ne peut pas porter sur ses épaules l’objectif de résoudre les maux de la société.
Alors que les élections municipales de 2014 et 2020 se sont fortement focalisées sur la place des citoyens et la participation citoyenne comme moteur de nouveauté et d’innovation démocratique, pour les équipes se présentant devant le suffrage des électeurs pour les élections municipales, des inquiétudes se font jour, de la part des praticien.nes, d’un risque de retour en arrière et de balayage, voire de rejet de la participation citoyenne… En effet, certains discours au niveau national, identifient que la participation citoyenne prendrait trop de temps face à l’impérieuse nécessité de ré industrialisation ou remettent en cause le long et important travail de structuration du débat public et de positionnement des garants de la Commission nationale du débat public. Ce peut aussi être le cas au niveau local, sous couvert d’urgence climatique, il peut être tentant de balayer rapidement le travail complexe et parfois inconfortable du dialogue territorial…
D’autres indiquent aussi que, finalement, la participation citoyenne ne servirait pas à grand-chose, réunissant « toujours les mêmes » et n’étant pas en capacité de transformer les institutions locales et nationales : son efficience pourrait être remise en cause, d’autant qu’elle ne permettrait pas le nécessaire renouveau démocratique.
Ces critiques sur l’efficacité et l’efficience de la participation citoyenne sont à prendre en compte pour s’interroger, évoluer, mais il apparait essentiel d’identifier comment la structuration de la participation a permis d’avancer dans les organisations et comment la renforcer.
Il est temps de faire le point, pour que ces pratiques nécessaires (mais non suffisantes) au renouvellement démocratique, se renforcent encore.
Les prochaines élections municipales de 2026 en sont l’occasion ; en interpellant les listes qui se présenteront, sur la place qu’elles comptent faire à la démocratie participative / délibérative. Cela doit permettre de s’interroger sur les différentes formes de démocratie à faire vivre dans l’espace public, le positionnement des (futurs) élus vis-à-vis de celles-ci et l’évolution de l’administration que cela suppose.
Le conseil d’administration de l’institut de la concertation et de la participation citoyenne souhaite creuser le sujet et faire le point avec les membres de son réseau, composé de chercheurs, praticiens, publics et privés, membres d’associations… et ses partenaires, pour identifier les avancées et poser les jalons pour 2026 et la prochaine décennie.
Car nous avons la conviction que des graines de transformations ont été posées, ont germé et qu’il s’agit aujourd’hui d’aller plus loin pour renforcer la place des citoyens dans notre démocratie, notamment au niveau local.
Les objectifs
L’objectif est d’identifier les impacts de la participation citoyenne, au sein des organisations locales et nationales, ainsi que les sujets qui sont devant nous pour approfondir et améliorer ces impacts : quelles sont les avancées qu’aurait permises la participation citoyenne en termes organisationnels, d’élaboration de prise de décision, d’inclusions des publics dans leur diversité, de sincérité et de transparence des démarches, de reddition des comptes… et surtout, quelles pistes poser pour progresser dans l’ouverture démocratique et la transformation de nos organisations et des politiques publiques, à l’aune des élections municipales de 2026 ?
Les défis à relever
Dores et déjà au fil des Grands entretiens et des conversations, des défis comment à voir le jour. Parmi eux :
- Le défi du lien à la décision et de la réédition des comptes : comment faire en sorte que les expressions citoyennes aient plus d’impact sur la décision ? Comment s’y prendre ? Comment tracer ce lien ? s’en assurer/tenir l’engagement ? Rendre compte concrètement ?
- Le défi de la transformation de l’administration : comment organiser le circuit de la parole des usagers et des citoyens au sein de l’administration ? Comment accompagner les services et montrer les évolutions au sein des services ? Qu’est-ce que la participation change dans l’institution ? Quelles en sont les conditions ?
- Le défi du “care” pour faire société : à quelles conditions les espaces participatifs sont des espaces d’un “véritable” dialogue basé sur la compréhension de l’autre ? Comment prendre soin des participants, comment faire en sorte que ces espaces soient respectueux de toute la diversité ? Faut-il parfois réserver des espaces pour mieux se comprendre ?
- Le défi du faire commun ensemble : est-ce que les tiers lieux, les espaces et jardins partagés peuvent être des espaces pour renouer de la confiance et des liens entre les gens ? Est-ce que ces espaces sont participatifs ? A quelles conditions ? Des collectivités et collectifs peuvent-ils renouer du lien autour des communs ? quelle place pour les associations ?
- Le défi de l’accueil du conflit : Comment accueillir et intégrer la conflictualité dans l’institution ? Comment poser collectivement le cadre d’un débat constructif ? comment travailler avec des collectifs qui se positionnent “ contre” ?
- Le défi de l’information et de la visibilité : comment travailler l’information, sa qualité, les sources, sa transparence ? Comment communiquer sur le processus, l’information entrante et sortante ? Comment communique-t-on sur ce qui se passe dans les espaces participatifs ? Comment valoriser les productions ? Comment gérer les critiques sur cela ne sert à rien, ce sont toujours les mêmes… ?
- Le défi de la garantie et de l’évaluation : faut-il mettre en place un tiers pour chaque démarche ? La garantie tierce est-elle une condition de la confiance ? Comment évalue-t-on la participation du point de vue de toutes et tous ? Comment construire des indicateurs partagés ? Comment mener une évaluation participative des processus participatifs ?
- Le défi de l’hybridation : comment construire une véritable politique participative indiquant un fil conducteur et construisant une architecture de la participation ? L’hybridation entre démarches et approches, mêlant différentes démocraties, est-elle une solution pour répondre aux besoins des citoyens ? jusqu’où peut-on aller ? Et comment la rendre compréhensible ?
Nous avons aussi noté 3 sujets transversaux qui interrogent directement la transformation de l’action publique :
L’évolution de l’administration
La question de la prise de risque et de l’innovation organisationnelle dans une chaine hiérarchique, avec la place des agents des services publics de terrain, dans leur relation aux citoyens et à la hiérarchie ; la place des cabinets et la relation au politique, la place du juridique et des finances…
Le positionnement des élus dans le renouveau démocratique
Traditionnellement les élus décident ; mais aujourd’hui l’élaboration de la décision est, de fait, plus collaborative, contributive. Avançons-nous vers une posture d’élus animateurs du dialogue territorial et avec l’entrée des expressions citoyennes devenant commanditaires de l’administration ? Comment cela se traduit-il ? Comment les listes citoyennes tricotent-elles l’organisation municipales lorsqu’elles arrivent aux manettes ?
Les différentes formes de démocraties
Délibérative, contributive, du faire, d’interpellation, voire directe… s’excluent-elles ou s’emboitent-elles ? A quelles conditions ? Est-ce que l’approche des communs, l’organisation des tiers-lieux vient renforcer l’engagement et la participation ? Ces espaces sont-ils porteurs de nouveautés démocratiques ? A quelles conditions ?
Et 5 focales :
- La traçabilité de la construction des prises de décision et leur explication dans un monde complexe, incertain, qui fait appel à de multiples expertises et contraintes :
2. L’évaluation participative de la participation :
3. La capacité à mettre en débat des avis contradictoires, l’accueil du conflit, l’organisation de la controverse, pour construire du dialogue et du compromis, entrer en négociation :
- Montrer l’influence de l’expression / préconisation citoyenne dans une prise de décision
- Montrer les contraintes multiples et contradictoires
- Comment se prend une décision ?
- Pourquoi, comment ? Quels questionnements évaluatifs (de la qualité démocratique à l’efficacité – efficience des démarches sur la décision).
- L’évaluation est-elle réalisée régulièrement ?
- Comment l’évaluation est-elle prise en compte ?
- Comment fait-on sans moyens ?
- L’organisation structurée des termes du débat public (avec notamment la qualité de l’information et la contradiction) ; l’articulation des scènes de débat : citoyennes, médiatiques (RS), techniques, expertes, politiques
- La reconnaissance et la traçabilité du conflit par les institutions : pourquoi, comment travailler avec des collectifs qui ne reconnaissent pas l’institution ?
- Mais aussi les conditions de mise en place et le traitement des interpellations citoyennes, par exemple…
4. La place d’un tiers, d’un garant, des garanties de la participation, telles qu’imaginées par l’ICPC, voici 10 ans, et mises en œuvre au niveau national et avec des collectivités et entreprises, par la CNDP :
5. La reconnaissance de l’engagement :
- Ce type d’approche est-elle dédiée uniquement aux « grandes » concertations ?
- L’intérêt (ou pas) de la place d’un tiers, de la médiation, la séparation entre commanditaire et garant…
- Comment progresser au sein des petites collectivités sur ce sujet ?
- L’accueil, l’accompagnement et l’outillage de l’expertise citoyenne
- La place des associations et des instances pérennes et l’articulation avec l’expression citoyenne
- L’indemnisation des citoyens, la formation ? des citoyens
- L’apprentissage de la citoyenneté à l’école, dans le monde du travail
Les Grands entretiens
Fanny Lacroix, maire de Châtel en Trièves et vice-Présidente de l’Association des maires ruraux de France le 16 décembre 2024.
Pascal Clouaire, Vice-Président en charge de la participation citoyenne de Grenoble-Alpes Métropole et commissaire de la Commission nationale du débat public (CNDP). le 14 janvier 2025, de 13 h à 14 h
Ombelyne Dagicour, 1ère adjointe de la ville de Poitiers, en charge de la démocratie locale, de l’innovation démocratique et de l’engagement citoyen, le lundi 27 janvier à 11 h.
Une conférence internationale
Retour sur la conférence organisée dans le cadre de Truedem : les innovations démocratiques peuvent-elles vraiment améliorer la confiance politique ?