Philippe Begout

Itinéraire

Je viens d’un milieu professionnel éloigné de la participation, celui du numérique et de l’informatique. Ma structure était installée dans un quartier prioritaire. Par la force des choses je me suis retrouvé à remplir certaines missions « d’écrivain public » (renseignements administratifs, aide à l’utilisation du numérique, etc.)

Lorsque la ville de Bordeaux a renouvelé une partie des commissions permanentes de quartier, en 2016 j’ai été sollicité par la Maire de quartier pour en faire partie, en tant que personne active du territoire. La moitié des 40 membres était désignée par celle-ci, l’autre tirée au sort. Ce premier contact avec la démocratie participative en tant que participant, m’a tout de suite passionné. Ce qui est intéressant dans ces instances permanentes, c’est la formation des citoyens et le suivi de projets concrets de long terme, parfois même en auto-saisine. Mais c’est un fonctionnement qui reste lourd à gérer: constituer un collectif qui s’informe, s’investisse sur des années tout en dépassant les intérêts particuliers, n’est pas toujours une mince affaire.
Peu de temps après, j’ai participé, en tant qu’acteur du territoire, aux premières rencontres nationales de la participation de Décider Ensemble alors organisées à Bordeaux. Cela m’a ouvert de nouvelles perspectives que je ne connaissais pas et que j’ai approfondies ensuite, en suivant le MOOC sur les garants en 2017, par exemple. J’ai continué à accroître mon engagement niveau local tout en rapprochant de différents acteurset réseaux du champ de la participation au niveau national.

En 2019, au moment du Grand débat, je me suis investi dans l’Observatoire des débats lancé par l’ICPC et le GIS Démocratie et participation afin d’observer les réunions d’initiative locale. J’ai rejoint l’aventure en tant qu’observateur d’un certain nombre de débats à Bordeaux mais aussi à Pessac et Cestas où les dynamiques étaient très différentes. J’ai poursuivi en tant que facilitateur lors de la Conférence citoyenne régionale à Toulouse. En tant que membres d’instance, nous sommes amenés à organiser des débats dans notre quartier ou à être mobilisés lors de concertations ; mais cette expérience m’a montré une autre facette de la posture de facilitateur.
Plus récemment, le GIS m’a sollicité pour être observateur de la Convention citoyenne pour le climat. J’ai donc poursuivi l’aventure ! Si l’on ne peut préjuger des résultats, les 150 citoyens tirés au sort ont été formés à ces sujets complexes et se sont impliqués.L’exercice participatif leur a permis de réaliser comment sont construites les politiques publiques et les lois, et quelles en sont les limites. Il est certain qu’ils ne ressortiront pas de ce processus comme ils y sont arrivés.
Je me suis formé à la participation au gré de ces expériences, « sur le tas », en me nourrissant de mes observations au niveau national pour expérimenter au niveau local.

Message

Pour réussir à impliquer les citoyens, deux ingrédients sont essentiels : la formation des citoyens et la poursuite d’un objectif clair, précis et concret.Lorsque ces ingrédients sont réunis, les gens se mobilisent. Que ce soit au niveau local ou national, il y a un effet d’apprentissage fort pour les citoyens participants qui prennent la mission à cœur quand il y un enjeu derrière.

La Convention citoyenne pour le climat, de ce point de vue est un succès : on a donné un challenge aux participants et on les a formés. Le taux d’abandon est très faible. Même si cette Convention relève encore dans l’expérimentation, un certain nombre d’enseignements peuvent nous inspirer pour ouvrir les instances participatives locales : proposer plus de formation, mobiliser des personnes ressources au sein des administrations, organiser des interventions thématiques ouvertes à tous les citoyens, mixer différents types de concertations ponctuels et permanents, créer des instances sur des enjeux précis, ouvrir au tirage au sort, etc.

Il me semble impensable aujourd’hui que les élus continuent comme avant, à prendre des décisions en passant en force, au risque de provoquer des mouvements sociaux. On observe un rejet généralisé des représentants politiques et des corps intermédiaires. La démocratie participative peut représenter une voie médiane. Les citoyens ne sont pas là pour remplacer l’élu mais pour l’aider dans la prise de décision en apportant un autre regard, citoyen. La participation citoyenne ne peut faire que progresser toutes les parties prenantes si elle est faite correctement.