Isadora Guerra

Itinéraire

Après des études à Sciences Po en Colombie, j’ai poursuivi un DESS en politiques locales et développement en France, ce qui m’a conduit à réaliser un stage à la Métropole de Rouen, et depuis j’y suis restée !

J’ai commencé mon parcours au sein de la collectivité en travaillant d’abord sur l’optimisation des financements européens puis sur l’ensemble des financements contractualisés. Mes missions comprenaient alors la négociation des contrats d’agglomération, leur mise en œuvre suivi et évaluation. Les contrats d’agglomération étant les déclinaisons opérationnelles des projets de territoire je me suis également retrouvée à animer le conseil consultatif de développement (CCD) car il devait donner un avis sur celui-ci et suivre sa mise en œuvre. L’animation d’une instance comme un CCD étant un métier à part entière, j’ai dû développer davantage mes compétences relationnelles et de médiation pour réussir à instaurer un lien de confiance et faire travailler ensemble des acteurs de la société civile venant des horizons très différents et avec des postures parfois très tranchées. Le pari était de leur donner envie de s’investir au sein de cette instance afin d’éclairer la décision publique, avec leurs points de vue, idées, propositions et expériences diverses.

A l’époque, la culture de la démocratie participative n’était pas très répandue sur le territoire. Il a donc fallu convaincre les élus, ainsi que les agents pour lever les craintes face à une participation accrue et montrer l’intérêt d’une telle instance.

En passant au statut de métropole, nous avons considéré que cette instance ne pouvait plus être le seul moyen de dialoguer avec les acteurs du territoire et qu’il fallait embrasser la question de la démocratie participative. Nous avons donc commencé par élargir le CCD aux habitants. Petit à petit, les élus ont vu l’intérêt de l’apport de l’expertise d’usage citoyenne et les résultats d’un travail de co-construction avec les membres du CCD.

Au bout de sept ans, nous avons réussi à préfigurer les contours d’une politique permettant de favoriser la participation citoyenne et grâce à l’appui d’un directeur général favorable à ces questions, nous avons mis en place une cellule « participation citoyenne ». En observant ce qui se faisait dans les autres Métropoles, nous avons pu identifier nos points d’amélioration en matière de politique participative (et il y en avait !). Nous avons souhaité très vite mettre l’accent sur la participation numérique en complément de tout ce qui pouvait être fait en présentiel (réunions publiques, ateliers, balades urbaines) et nous avons réussi le pari de développer en interne une plateforme participative (https://jeparticipe.metropole-rouen-normandie.fr/). Nous avons également réussi à faire avancer le sujet au sein de la collectivité et notre service en fait pleinement partie désormais, avec un portage politique renforcé après les élections.

Message

Pour moi la clé de la participation citoyenne est l’honnêteté. Plus on est transparent dans l’approche aux citoyens, plus on consolide leur participation et leur envie de s’investir avec nous dans le développement du territoire. Les règles du jeu doivent être claires dès le départ, une fois les objectifs et les invariants explicités, habituellement les concertations se passent bien. Il est également indispensable de rendre compte, de montrer que la participation a servi à quelque chose, que les contributions ont été étudiées et prises en compte lorsqu’elles étaient pertinentes, faisables techniquement et financièrement. Mais attention, il ne s’agit pas de faire croire qu’on va mettre en place tout ce qui sera proposé, il s’agit de s’engager à étudier chaque proposition et à expliquer si on les prend en compte ou pas et surtout pour quoi.

En outre, la métropole est un objet encore méconnu et complexe : comment donner envie aux gens de contribuer à cette échelle ? Dans un esprit d’ouverture et de transparence, il faut être capables de leur donner quelques clés de compréhension, sur les enjeux financiers, techniques et même politiques. En tant que praticiens de la concertation, nous jouons le rôle de traducteurs et d’entremetteurs entre l’institution et les citoyens.
Lorsqu’on exerce ce métier, on doit savoir se mettre à la place de l’autre, être à l’écoute et se rendre accessible, notamment pour les personnes qui d’emblée ne s’intéressent pas aux politiques publiques. Il est aussi indispensable d’offrir aux citoyens suffisamment d’éléments pour qu’ils puissent donner leur avis en connaissance de cause. On doit être en mesure de « traduire » les informations trop techniques ou avec un langage trop institutionnel ou jargonneux, à travers un discours clair et compréhensible pour tous. Ce n’est pas un travail anodin, mais absolument nécessaire si l’on souhaite véritablement favoriser la participation citoyenne et donner le pouvoir d'agir aux citoyens.