Joannie Leclerc

Itinéraire

C’est la communication de crise qui m’a amenée à la concertation. Après une formation à Sciences Po et un DEA en analyse des politiques publiques, j’ai commencé une activité de consultante dans ce domaine pour un cabinet international .J’ai travaillé notamment avec des industriels confrontés à des crises avec leurs parties prenantes, notamment le groupe Suez dans le domaine de l’eau.
Ces situations m’ont amenée à travailler avec des collectivités, des administrations, des ONG de développement… Et dans certains cas, à faire évoluer la communication de crise vers une concertation plus pérenne. Je partage avec l’ensemble des praticiens de la concertation la vision d’un intérêt général co-construit dans des espaces de dialogue et non pas imposé « d’en haut ». Si l’eau et l’environnement de façon générale, est un domaine qui a beaucoup fait avancer les pratiques de concertation, c’est sans doute parce que les interdépendances y sont plus évidentes qu’ailleurs. Malgré cela, je me rends compte que le dialogue est souvent limité : les opérateurs parlent aux institutions et aux collectivités mais peu aux associations, qui elles-mêmes s’adressent plutôt à la société civile.
En 2011, j’ai été recrutée par le Groupe Suez où je m’occupe de gouvernance mais également des dimensions sociétales du développement durable, ce qui m’amène à travailler sur l’accès aux services essentiels ou sur les droits humains. Je travaille au sein d’une petite équipe qui intervient à la demande de différentes branches de l’entreprise, en France et à l’étranger. Cela me conduit à côtoyer des collègues marqués par une culture technicienne ou commerciale.

Message

J’ai deux messages à l'intention des praticiens de la concertation. Le premier : cessons de sous-estimer le temps que nous passons à préparer et animer la concertation. Une grande partie du temps que nous y consacrons est mal évalué car « caché », notamment lors des phases préparatoires de la concertation qui sont assez chronophages et peu visibles. Nous avons tendance à sous-estimer ce coût car nous avons envie de dire « La concertation ? Non, ça ne coûte pas si cher ». Beaucoup de praticiens y consacrent du temps personnel pour limiter les dépenses de leur organisation. C’est louable, mais c’est épuisant ! En outre, cela nous dessert à terme car cela ne permet pas de prendre la mesure des coûts réels du dialogue et cela nous empêche de réclamer les budgets qui seraient nécessaires. Il faut assumer le coût de la concertation, qui est souvent plus important que ce que l’on veut bien dire.
Deuxième message : la concertation, c’est à la fois un processus et des savoir-être. La méthode, cela ne suffit pas. Il faut aussi être capable de considérer l’autre, de rester humble dans ses postures professionnelles, de reconnaitre les différentes expertises y compris les savoirs d’usage… Parfois, des « leçons de maintien » sont indispensables. La force d’un praticien, c’est à la fois sa capacité à maîtriser des méthodes et à avoir les bons comportements.