Cahiers de la Société Française de l’Evaluation n°9
La question de la participation se situe au coeur d’un certain nombre de dynamiques propres à l’action publique dans son ensemble.
Dans la plupart des discours sur cette question, c’est la dynamique démocratique qui est affirmée en premier. Cette dimension n’est pas contestable, bien sûr, mais elle reste insuffisante pour bien saisir la réalité des processus en cours et ce qui se joue véritablement autour de la participation. En effet, l’évolution même de l’action publique et la place grandissante des jeux d’acteurs qui la traversent et la structurent nous conduisent à avoir une approche plus large de la dimension participative.
Depuis quelques décennies l’action publique s’est développée de façon significative, les champs concernés ont été considérablement élargis, le nombre et la qualité des acteurs impliqués n’a fait que croître. En un mot, l’action publique s’est complexifiée, rendant plus difficile sa visibilité et sa lisibilité. De plus, depuis les années quatre-vingt, l’action publique n’est plus perçue comme vertueuse par essence. Du fait du contexte économique et financier, les premiers questionnements et les premières critiques se sont portés sur les coûts, sur la dépense. En outre, même si cette dimension reste vive dans les controverses au vu, notamment des déficits, ont émergées d’autres
interrogations, portant sur l’efficacité voire sur l’utilité même de l’action publique. Ces critiques ont plusieurs sources, plusieurs dimensions. Certaines sont aussi portées par des usagers, des citoyens notamment en termes de qualité du service rendu.
De fait l’on assiste à une forme de mise en débat, formalisée ou non, de l’action publique, posant notamment la question de l’acceptabilité de la décision publique au-delà de sa légalité et de sa légitimité. Dans ce contexte, les problématiques de pertinence, d’efficacité et d’utilité sociale de l’action, entre autres critères, ont gagné en prévalence.
La question de la participation s’inscrit au carrefour de trois dynamiques imbriquées qui traversent et, d’une certaine façon, structurent le déploiement de l’action publique :
- L’action publique se transforme, elle devient de plus en plus complexe, elle cherche à s’adapter aux besoins, aux demandes. La chaîne qui conduit de la décision à l’action proprement dite met en jeu une pluralité de niveaux intermédiaires, d’acteurs, chacun apportant sa vision dans la façon d’agir ;
- Les modes de management se modifient également, cela concerne tant les agents publics ou chargés d’une mission de service public que les opérateurs privés chargés des mises en oeuvre. Il y a là des mouvements organisationnels et fonctionnels importants qui pèsent sur l’effectivité, l’efficacité et la qualité d’une action publique ;
- Les demandes citoyennes s’accroissent notamment en matière de fonctionnement
démocratique. Des débats sur les limites de la démocratie représentative et sur le besoin de démocratie participative, quelles qu’en soient les formes, comme une multitude d’initiatives citoyennes, souvent peu médiatisées, en témoignent.
La question du caractère participatif de l’évaluation n’est donc pas une simple option parmi d’autres formes d’évaluation.
En creux, l’on voit bien dans le développement du lobbying, de rapports de force, que ce soit avant la décision ou après, une traduction de ce mouvement en faveur de la participation. Et de ce point de vue il s’agit tout à la fois d’une exigence de démocratie mais aussi d’efficacité compte tenu de l’implication de fait d’une foultitude d’acteurs dans le processus de l’action publique. En effet, chacun d’entre eux détient une partie de l’information, possède un point de vue sur ce qui est fait ou pas fait, et d’une certaine façon, un pouvoir d’inflexion, plus ou moins affirmé, sur l’action elle-même. Dès lors il est important de préciser quelques repères sur ces jeux d’acteurs, et c’est notamment ce à quoi va s’attacher le cahier qui vous est ici présenté.