La forêt divise. Qu’il s’agisse d’exploiter son bois, de l’aménager ou de protéger ses écosystèmes, les avis divergent et s’expriment parfois violemment.
Est-ce nouveau ? Non.
Est-ce propre à notre société occidentale ? Il semblerait.
Avant d’aborder le vif du sujet, posons donc quelques jalons.
Dans l’épisode 3 de notre chronique, intitulé « Aux sources de notre imaginaire des forêts », nous avons vu que notre civilisation occidentale s’était bâtie en opposition à la nature sauvage, et qu’après plusieurs étapes décisives – agriculture et sédentarisation, romanisation, christianisation – , nous considérions désormais la forêt comme une pourvoyeuse de ressources ou de services. Dans cette vision du monde, L’Homme se met en dehors de la nature et considère avoir le droit d’y puiser à volonté, limité seulement en cela par la concurrence de ses semblables. Ce modèle n’est pas universel ; les cultures des peuples premiers, par exemple, considèrent les humains comme une pièce dans une sorte de grande machinerie universelle organisée par une nature souveraine qui impose ses règles à tous, règles qu’il convient de connaître et de suivre afin de vivre une vie en harmonie avec tous les êtres vivants ou inanimés. Cela donne un rapport à l’environnement totalement différent ; pour en venir à notre sujet, ces peuples n’ont pas, contrairement à nous, de conflit interne pour savoir comment utiliser les forêts, et pourtant elles parviennent à le faire, et sans les détruire.
Ainsi, si nous voulions répondre à la question « pourquoi nous disputons-nous à propos des forêts ? », la réponse fondamentale serait « à cause de notre façon d’imaginer le monde ». Cela expliquerait pourquoi la controverse dure depuis aussi loin que l’on puisse voir dans nos archives, c’est-à-dire au moins depuis le Moyen Âge.