Au moment de l’émergence des civic tech, de nombreuses idées préconçues et simplificatrices ont circulé sur le numérique, tant chez les chercheurs que les praticiens. Si le numérique paraît offrir des opportunités pour permettre à un plus grand nombre de citoyens de participer, il risque également de rajouter une nouvelle barrière d’entrée dans la participation, de superposer fracture civique et numérique. Sa capacité à « faire débattre et délibérer » est questionnée, tendant certains à le délégitimer en comparaison aux dispositifs présentiels et plus traditionnels de débat public.

L’influence des technologies d’information et de communication numériques (TICN) sur le développement de notre société n’est plus à démontrer. Le numérique est aussi devenu incontournable dans le champ de la participation citoyenne et de la concertation.

Si le numérique peut être porteur de transformations,  il est encore difficile d’évaluer réellement la portée démocratique de ces initiatives. Les recherches sur le sujet en sont encore aux prémices. L’ICPC y a contribué avec un premier cycle d’ateliers en 2015-2018  Au vu de sa constante évolution, un deuxième cycle d’ateliers est lancé pour mutualiser des expériences et questionner les apports réels du numérique.

Découvrez les activités de l’ICPC depuis 2015 !

Entre 2015 et 2018, nous avons organisé un cycle de six ateliers autour des usages du numérique dans la concertation, articulé autour de plusieurs questions. Entre recherche et pratiques, les ateliers étaient éclairés par des apports théoriques et des expériences de terrain. Ces ateliers qui ont eu lieu dans plusieurs villes du territoire français (Paris, Nantes, Marseille et Grenoble) ont mobilisé une diversité d’acteurs (chercheurs, acteurs des civic tech, agents de collectivités, consultants, élus) et ont abordé un grand nombre de sujets.

Quels sont les enjeux derrière le design des dispositifs numériques, c’est à dire à la compréhension des enjeux symboliques et politiques des choix techniques rendant possible la participation dans un environnement numérique ? La construction des dispositifs représente la « première brique » pour favoriser l’expression de certains publics et proposer un modèle de participation.

Lorsque l’on met en place une consultation mobilisant des outils numériques, l’un des enjeux majeurs est la mobilisation de publics et l’animation de la participation sur la plateforme. Le web notamment peut jouer un rôle majeur pour faire connaître la concertation, diffuser de l’information sur les projets débattus et permettre aux différents publics concernés de venir s’exprimer.
Réussir la phase de mobilisation demande de bien connaître la nature et le fonctionnement du web et de réussir à comprendre les enjeux de l’action collective à l’heure d’internet.

A l’heure où le recours au numérique semble se développer au sein de dispositifs de concertation (consultations sur les projets de loi sur la République Numérique et sur la biodiversité, budgets participatifs de Paris et de Grenoble, débats publics de la Commission Nationale du Débat Public, site de Madame la Maire de Paris…), la question de l’apport concret des outils numériques, dans leur grande hétérogénéité, se pose avec d’autant plus d’acuité. Leur intérêt réside-t-il dans leur capacité à inclure de nouveaux publics, ou à améliorer la qualité de la délibération, c’est-à-dire la qualité et la diversité des paroles recueillies ? Dans quelle mesure, ou plus précisément dans quelles conditions, participer en ligne peut-il contribuer à renforcer les modalités de co-construction d’un projet ou d’une politique publique ? Quelles sont les bonnes pratiques en la matière ?

  • Magali Nonjon, Maître de Conférences en Science Politique à l’IEP d’Aix en Provence
  • Julien Coclet, UrbanProd – La mobilisation des habitants des quartiers en difficulté de Marseille autour de l’amélioration de leur cadre de vie : les projets NoaillesTousIci et Mérou (Médiatisation des Rénovations Urbaines)
  • Gilles Pradeau, le numérique dans les budgets participatifs budgetparticipatif.info
  • Sofia Aliamet, Eclectic Experience – Sites internet participatifs & réseaux sociaux dans le cadre des débats publics sur les grands projets d’infrastructures

Le développement de la démocratie participative s’est accompagnée du déploiement progressif d’une « ingénierie de la participation » qui prend la forme d’une standardisation des outils et des méthodes pour « faire participer » les citoyens. Elle a favorisé l’émergence d’une myriade de consultants qui mettent leurs compétences au service des collectivités et viennent co-élaborer les dispositifs avec les agents. L’objectif de l’atelier sera d’interroger sera d’interroger la réalité et les contraintes de ce type de collaboration dans le contexte de la participation via les outils numériques. Comment la collectivité aborde-t-elle la dimension technique de ces dispositifs ? Faut-il mieux externaliser leur conception ou favoriser des développements internes pour en maîtriser le process ?  Quelles compétences mobiliser pour les animer tout au long de la démarche, mais aussi pour en analyser et en restituer les résultats ?

  • Maxime Sourdin, Chargé de mission Grand Débat Transition Energétique au Pôle Animation Développement Durable Climat à la Direction Energies Environnement et Risques de Nantes Métropole
  • Olivier Doutrelot, responsable du pôle projets de Paris Numérique à la Ville de Paris
  • Thibaut Dernoncourt, Directeur Conseil chez Cap Collectif

Les pratiques numériques, en particulier les usages des réseaux sociaux, accordent une place importante au « nombre ». L’omniprésence de ces nombres affectent-elles les pratiques numériques qui touchent au fonctionnement de notre démocratie ? L’impact d’une pétition en ligne est-il comparable à celui d’une pétition papier, d’une manifestation dans la rue, ou même d’un référendum, si non pourquoi ? Le vote en ligne, dans la mesure où il serait offert à l’échelon local ou national, aura-t-il un effet sur les taux d’abstention ?  Comment résoudre l’injonction contradictoire entre ouverture au plus grand nombre et sécurisation des dispositifs (donc forcément mise en place de critères, de procédures d’inscription…) ?

La légitimité des outils numériques de mobilisation, de sondage ou de prise de décision, les pratiques qu’ils suscitent, et leur perception par les pouvoirs publics seront au coeur des interrogations de cet atelier.

  • Tatiana De Feraudy, Chercheure Fabrique Urbaine à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)
  • Pascal Clouaire, adjoint à la démocratie locale  de la Ville de Grenoble    & Pierre-Loïc Chambon, directeur de projet démocratie locale à la Ville de Grenoble, sur les questions du vote en ligne, de sa sécurité, de sa légitimité à l’échelle de la collectivité
  • Pablo Sànchez Centellas, EPSU, sur  le droit d’initiative citoyenne européen et la campagne right2water
  • David Prothais, Eclectic Experience, sur l’exemple des outils numériques d’un débat public sur la 3ème ligne de métro de Toulouse.

A l’heure de l’application du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) qui mobilise l’attention de l’administration et du monde économique dans son ensemble, les acteurs de la concertation et de la participation citoyenne ne peuvent faire l’économie d’une réflexion sur les données numériques qu’ils recueillent, stockent et analysent. Quels sont les principes à respecter d’un point de vue réglementaire ? Quelles sont les bonnes pratiques à suivre pour que les citoyens soient en confiance avec les outils qui leur sont proposés ?

  • Tiphaine Havel et Régis Chatellier, CNIL : présentation sur les enjeux du RGPD,
  • Julien Rossi, chercheur à l’UTC Compiègne
  • Bluenove
  • Open Source Politics
  • SNCF Réseaux

Nous avons souhaité réactiver ce sujet cette année au regard du contexte particulier qui donne un nouvel éclairage. La crise sanitaire a bousculé et fait exploser nos usages du numérique. Les médias ont relayé une massification des usages de la visiophonie, qui s’est élargie à des usages privés. On a vu aussi fleurir des plateformes de consultation en ligne sur le monde d’après, soit portées par des collectivités ou d’autres acteurs politiques.

La crise sanitaire ouvre-t-elle des perspectives pour la participation numérique à moyen ou long termes ?

Si le numérique offre la possibilité à un plus grand nombre de personnes de participer, des millions de Français restent encore éloignés du numérique, notamment les plus vulnérables. Donner la parole à tous est l’un des objectifs de la participation citoyenne. Comment traiter la tension entre le numérique comme mise capacité d’agir et à l’inverse comme mise en incapacité d’agir ? Quelles pistes pour aller vers plus d »inclusion  via le numérique ?

Autour de trois retours d’expérience :

Éclairés par deux chercheurs :

  • François Huguet, chercheur en Humanités numériques, maître de conférences invité à TelecomParis
  • Clément Mabi, chercheur à l’Université technologique de Compiègne

Jusqu’ici, la participation numérique était envisagée principalement comme une participation individuelle et asynchrone, via des plateformes participatives. Une évolution notable est la généralisation de la visio-conférence, à la croisée entre présentiel et numérique. Quels sont les effets sur la participation citoyenne, notamment l’aspect délibératif ?

Autour de trois retours d’expérience :

Eclairés par :

  • Stéphanie Wojcik, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris-Est Créteil (UPEC)
  • David Prothais, fondateur d’Eclectic experience


Le programme #RESET 2022, propulsé par la FING entend créer les conditions de la transformation d’un numérique que nous subissons vers un numérique que nous voulons. Ce programme s’appuie sur des coalitions d’acteurs hétérogènes engagés sur différentes thématiques pour entreprendre des actions concrètes et transformatrices à l’horizon 2022.

Sous l’égide de l’ICPC, une coalition d’acteurs divers (civic tech, chercheurs, consultants en concertation, collectivités territoriales, associations) s’est réunie autour de ce thème. 

Les expériences de démocratie et de participation numériques menées depuis plus d’une dizaine d’années montrent que des dynamiques très différentes cohabitent au sein de la démocratie et de la participation numériques. Si certaines sont porteuses d’émancipation citoyenne et promettent de renforcer le lien social ; d’autres -au contraire- ont tendance à équiper des visions démocratiques plus inquiétantes (démocratie d’opinion, peu transparente et instrumentalisée, avec des débats de plus en plus polarisés).

Si les technologies et leurs usages ne sont pas à la hauteur des enjeux démocratiques, il est possible de les faire bifurquer et d’imaginer des “futurs souhaitables”. C’est le pari que nous souhaitons faire avec ce cycle de trois sessions !

L’objectif final est de construire une “boussole” pour mieux nous orienter collectivement dans la participation numérique.


Ressources pour aller plus loin

« Civic tech » : de quoi parle-t-on ?

Populaire aux États-Unis à partir de 2013 et selon un rapport de la Knight Fondation, la « civic tech » désigne une grande diversité d’initiatives issues de la société civile mobilisant les technologies numériques pour contribuer à des missions d’intérêt général. Concrètement, deux définitions de la « civic tech » cohabitent :

  1. des dispositifs orientés vers la « contre-démocratie » (Rosanvallon, 2006) et l’interpellation, qui rassemble les initiatives qui agissent dans le sens de ce que l’on peut qualifier de « lobby citoyen »
  2. les usages du numérique pour proposer de nouveaux services aux institutions, dans une logique de « démocratie participative 2.0″

(Définition issue de l’article « Civic tech » dans Publictionnaire par Clément Mabi, 2019)

D’où ça vient ?

Le développement des technologies de l’information et de la communication numérique et l’émergence d’une « culture numérique » sont venus interpeller les institutions et les dispositifs classiques de démocratie participative qui ont dû s’adapter pour capter ces nouvelles formes d’implication et d’expression citoyenne. Plus récemment, en 2013, le terme « civic tech » apparait dans les médias.  Il désigne les applications mobiles et plateformes en ligne pour faire participer les citoyens qui se multiplient. En effet, au début des années 2010, des premiers collectifs et associations mobilisent le numérique pour la transparence et l’ouverture de l’action publique. Le champ se structure peu à peu avec des  acteurs économiques (start-ups, entreprises, association) proposant des solutions technologiques. En parallèle, des acteurs publics contribuent à l’institutionnalisation de cet écosystème.  Si les expérimentations de civic tech sont hétérogènes, elles partent d’un présupposé selon lequel les technologies numériques permettraient de dépasser les blocages du fonctionnement de la démocratie représentative, en plaçant le citoyen au coeur : Améliorer la transparence des institutions Rendre possibles de nouvelles collaborations entre citoyens et institutions (signalements, budgets participatifs, cartographie participative…) Faciliter la mobilisation de l’opinion publique sur des thématiques (pétitions) Permettre de développer des outils pour améliorer la qualité du débat public (plus délibératif et moins cloisonné Encourager la participation citoyenne afin d’améliorer la représentativité des consultations (consultations, sondages en ligne)
Quels enjeux ?

Clément Mabi pointe quelques limites, qui pourraient concerner la participation citoyenne en général :
Le risque de fracture numérique et les difficultés d’inclusion des publics les plus éloignés de la vie citoyenne et du numérique qui interrogent sur le manque de représentativité sociale des participants
Les risques d’instrumentalisation de ce nouvel outil de participation et d’un appel à l’innovation technologique présenté a priori comme un progrès sans que les objectifs politiques ne soient clairs
Le modèle économique des acteurs de la « civic tech » encore fragile
Le risque de piratage et de manipulation des résultats problématiques
La potentielle profusion de contributions nuit à la lisibilité de la démarche et à son impact sur la décision
(Article « Civic tech » dans Publictionnaire , Clément Mabi, 2019)

L’entrée par les tensions proposée par l’étude de la CNIL montre à la fois la force des technologies numériques en démocratie (notamment en termes d’inclusion, d’accessibilité, de pluralisme démocratique et de transparence) tout en pointant les ambiguïtés structurelles qui accompagnent leurs usages (risques d’instrumentalisation, de censure, d’opacité, d’exclusion..).
(Etude « Civic tech : Une exploration critique des tensions et des usages de demain », CNIL, 2020)
 

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