Dans le cadre du chantier « ambitions pour la participation citoyenne pour 2026« , nous avions le plaisir de vous inviter au 1er grand entretien avec Fanny Lacroix, le lundi 16 décembre de 13 h à 14 h en distanciel.
Fanny Lacroix est maire de Châtel-en-Trièves (Isère, 500 habitants), depuis 2020 et Vice-Présidente de la communauté de communes du Trièves. Née en 1985, elle fait partie de ces jeunes maires qui souhaitent redonner du sens à l’action publique en impliquant fortement les habitants. Dans sa commune, les habitants se sont engagés dans de multiples projets qui en font un territoire exemplaire. Vice présidente en charge de la transition écologique de l’Association des Maires Ruraux de France, l’édile anime une réflexion avec une centaine de communes sur le rôle que pourraient mieux jouer les maires sur ces questions.
Vous pouvez également retrouver la version longue de l’entretien ici
Les formes de participation
A mon arrivée, le village avait déjà un fonctionnement participatif, bien que cela ne soit pas toujours formulé ainsi. Les habitants étaient profondément impliqués, par leur attachement au patrimoine, au village et à l’environnement, et s’organisaient autour des biens communs : fours, festivités, gestion de l’alpage, etc.
La commune de Saint-Sébastien traversait une phase de désertification (perte de services) mais avait un trésor, une friche en plein cœur de bourg, avec des bâtiments patrimoniaux. Forte de mon expérience en participation, j’ai proposé au maire des ateliers pour imaginer ensemble les futurs usages de ce site. Ce projet a abouti à la création du domaine de Talent, devenu aujourd’hui un lieu central du village.
Les citoyens doivent avoir un univers de conquête et de création, pour que les projets ne restent pas dans une logique de consommation de services publics. C’est pourquoi je veille à ce que les nouveaux usages restent sous une gestion associative et citoyenne, pour changer la posture du citoyen.
Cela implique un lâcher prise, une adaptation aux capacités citoyennes, et parfois accepter que des projets passent en pause. Mais chaque projet porte son propre rythme et son évolution.
Un exemple concret de cette participation est l’atelier sur la revitalisation du centre bourg. Après quatre mois de travail participatif, la municipalité a retenu près de 90 % des propositions : café épicerie associatif, jardin partagé, carrière équestre à gestion associative, etc. Les citoyens ont alors choisi de fonctionner comme un commun, en s’organisant autour d’une nouvelle association, Châtel-Village, visant à revitaliser le village de Châtel-en-Trièves. Cette association repose sur une collégiale incluant des acteurs économiques, associatifs, municipaux et citoyens.
Châtel-Village se structure autour de deux piliers essentiels :
- Le recrutement d’une animatrice, Lucie, désormais coordinatrice au sein des services municipaux.
- Des espaces concrets pour mettre en pratique le droit au village, inspiré du droit au village, un concept développé par Eric Charmes, qui défend l’idée du droit de chaque citoyen à revendiquer un espace d’action dans son territoire.
La pratique d’élue dans une petite commune
Le changement de paradigme pour l’action municipale a défragilisé son organisation. Malgré les faibles moyens, un village peut avoir la force du collectif si chacun peut contribuer à la chose commune. Cela demande de connaître les habitants et de repérer les talents pour chaque projet. Un nouveau métier a ainsi émergé : celui de facilitateur de la coopération citoyenne.
La gouvernance a évolué d’une organisation pyramidale vers une démocratie locale où chaque décision est concertée et co-construite avec la population. Cela a permis de créer une citoyenneté active qui se nourrit d’une pratique continue. Je suis convaincue que cette culture civique est maintenant suffisamment ancrée pour perdurer, indépendamment des orientations politiques futures.
L’accueil des nouveaux arrivants est une priorité, porté par Châtel-Village, grâce à une organisation volontaire qui encourage les rencontres. Les festivités jouent un rôle clé dans cet accueil, favorisant la participation de tous, anciens et nouveaux habitants.
Le rôle de maire dans une petite commune, surtout en milieu rural, est difficile à concilier avec une vie professionnelle, d’autant plus que les indemnités sont faibles. Nous sommes confrontés à un problème démocratique d’accès à la fonction. C’est un sujet que j’aborde au sein de l’AMRF.
Le fonctionnement de Châtel-Village crée une fabrique du politique en permettant une réelle participation des citoyens dans les décisions municipales.
Liens avec les autres échelles de territoire
La relation avec l’EPCI est complexe. Les logiques de compétition politique entre les communes entravent le passage à l’échelle de certaines actions. Châtel-en-Trièves, malgré son engagement citoyen, inspire davantage des territoires éloignés que des voisins proches.
La transition écologique est un enjeu majeur, et nous cherchons à l’impulser au niveau local avec des actions concrètes : entretien des sentiers, réhabilitation des fours, création d’une cuisine centrale avec les producteurs locaux. Les habitants sont les premiers acteurs de cette transition.
Je suis convaincue que mon rôle est de cultiver un terreau favorable à l’engagement citoyen et de laisser les idées émerger. La culture des communs, qui vient des villages, est encore vivante et doit être préservée, notamment en tant que lieu de sens et d’engagement local.
Évolutions de la participation citoyenne et de la démocratie
L’élection municipale, étant la plus proche des citoyens, est déterminante pour la démocratie locale. Elle doit permettre de construire une vision d’avenir à l’échelle locale, un enjeu qui se perd parfois avec la technicisation des politiques. Je suis convaincue que la commune doit être le cœur du politique, un lieu où chacun peut participer à la vie de la cité.
Il est important de redéfinir l’échelon communal comme un lieu de contrat civique et citoyen, afin de renforcer l’implication des citoyens tout en évitant les conflits de compétences avec d’autres niveaux de collectivité.
Pour améliorer la démocratie, il est essentiel de raconter des histoires inspirantes, montrant des exemples concrets de personnes qui redonnent confiance dans la politique et incitent à l’engagement. C’est ce que j’essaie de faire à mon échelle.