Partout en Occident, la défiance envers les institutions politiques atteint de nouveauxsommets. De l’attaque sur le Capitole américain en janvier 2021 en passant par l’augmentation des violences envers les élus en Europe, une digue semble avoir sauté. À l’inverse, la classe politique n’accorde que peu de confiance à ceux et celles qu’elle doit représenter. La crise est devenue l’état permanent des choses et la démocratie apparaît deplus en plus comme un signifiant vide, capable de mobiliser tout et son contraire.
Ceci conduit à une dépolitisation toujours plus importante de la population, dont l’abstention électorale fait figure de pointe émergée de l’iceberg. L’attaque russe contre l’Ukraine a certes tout récemment remobilisé les opinions publiques en Europe et ailleurs autour des valeurs démocratiques de liberté, droits de l’homme, et souveraineté politique mais il est fort probable que ce choc externe ne fasse que masquer un problème en réalité profond et durable dans nos pays démocratiques, qui demande donc à être analysé et résolu plutôt que balayé sous le tapis de la politique étrangère..
Face à un tel contexte, la recherche de solutions au problème incessant qu’est devenue la démocratie doit savoir sortir des sentiers battus. C’est dans cette perspective que le think tank britannique Chatham House a initié en 2021 un « audit démocratique » de la France, du Royaume-Uni et de l’Allemagne. Ces pays ont été choisis, car ils représentent des formes de démocratie bien établies, très différentes à la fois politiquement et culturellement, mais souffrant néanmoins de problèmes similaires. Notre espoir est de pouvoir, sur la base d’une triangulation entre ces trois cas d’étude, identifier leurs problèmes communs et être en mesure d’y apporter des solutions.
Pour chacun des trois pays, un groupe de cinq personnes aux profils politiques variés, mais ayant été au cœur des institutions représentatives (en tant qu’élus ou collaborateurs) a été constitué. Suite à une série de rencontres et à une délibération ouverte, ces groupes en sont venus à formuler des propositions de réformes à apporter au cadre institutionnel politique. Les recommandations résultant de cet « audit démocratique » ont une double particularité. La première, c’est d’avoir fait consensus au sein d’un groupe transpartisan, réunissant tant des personnalités de gauche et de droite. La seconde, c’est de provenir de personnes ayant été au cœur de la chose publique, que cela soit sur le devant de la scène ou dans les coulisses.
Au vu de la campagne électorale qui secoue le pays, nous présentons ici les principales conclusions du groupe français (les cas britanniques et allemands n’étant pas encore complétés). Inspirés par celles-ci et la teneur des discussions, mais aussi leurs propres travaux sur la question démocratique, les auteurs proposent une trentaine de mesures – d’horizons divers – pour démocratiser la démocratie française.
Si un consensus fort s’est dégagé sur les thématiques à aborder et sur la majorité des mesures, certaines ont parfois entraîné des désaccords entre les membres du groupe.
L’horizon des propositions varie également fortement: certaines nécessitent des changements de nature constitutionnelle, tandis que d’autres peuvent être mises en place plus facilement et rapidement. Plutôt que de censurer les propositions moins consensuelles voire controversées ou utopiques et ramener l’ensemble au plus petit dénominateur commun, nous avons fait le choix, avec l’accord explicite des membres du groupe, de présenter toutes 3 les idées, non pas comme également valables ou plausibles ou à même d’être appliquées, mais comme toutes dignes d’une discussion. Il nous semble que depuis trop longtemps le débat public souffre d’une étroitesse de l’espace conceptuel jugé acceptable. Nous espérons, avec ces diverses propositions, contribuer à un élargissement sain du débat d’idées.
Assez rapidement un consensus s’est dégagé parmi les participants du groupe sur trois thèmes de réformes possibles et prioritaires:
1) la participation citoyenne;
2) la redevabilité et la transparence;
3) le rééquilibrage des pouvoirs.