Expertise et démocratie : faire avec la défiance

Auteur(s) : France Stratégie

Année : 2018

Pour éviter que la défiance envers l’expertise ne fragilise l’action publique, il faut apprendre à « faire avec ». Il s’agit de rendre l’expertise plus lisible et transparente, de rapprocher les cultures et surtout de répondre aux questions des citoyens, telles qu’ils se les posent.

Les manifestations de défiance à l’égard des institutions, des responsables politiques, des journalistes, peuvent faire obstacle à l’émergence d’un consensus et fragiliser l’action publique. Ceux qu’on appelle les « experts » ne sont pas à l’abri de cette défiance. Plusieurs reproches sont récurrents : on entendrait « toujours les mêmes » dans les médias ; les « chiffres officiels » ne traduiraient pas la réalité vécue ; les experts ne seraient pas indépendants à l’égard des industriels et des politiques… Comment l’expliquer et mieux prendre en compte cette défiance dans l’élaboration des politiques publiques ?

D’OÙ VIENT LA DÉFIANCE ?

Si la défiance envers l’expertise n’est pas un phénomène nouveau, « elle prend cependant une forme inédite » aujourd’hui, notamment en raison du numérique, constate Daniel Agacinski, chef de projet à France Stratégie et auteur du rapport. Pourquoi ? L’augmentation du niveau d’éducation de la population, le ralentissement tendanciel de la croissance, les nombreux scandales (sang contaminé, Tchernobyl, Levothyrox…), autant de facteur qui ont installé le doute. Et les tentatives engagées pour « restaurer la confiance », via la participation, la quantification, la mise en place d’institutions plus indépendantes, n’ont pas fait disparaître cette défiance.

« FAIRE AVEC » LA DÉFIANCE

Ce rapport de France Stratégie ne propose pas de se résigner à la défiance, mais bien plutôt de prendre appui sur elle et de « l’incorporer aux instances d’expertise ». Comment ?

  • Répondre aux questions que se posent les citoyens, telles qu’ils se les posent, avec, par exemple, la création d’un défenseur du droit d’accès aux expertises.
  • Rendre l’expertise plus lisible, en misant sur la transparence et en créant un organe d’échanges entre les sciences humaines et sociales et le gouvernement.
  • Rapprocher les cultures : l’auteur propose par exemple d’organiser dans les ministères des « voies de remontée » du savoir de terrain.

Autant de propositions qui, pour « modestes » qu’elles soient, visent toutes, en s’appuyant sur la défiance, à faire de l’expertise un écosystème plus ouvert à la diversité des savoirs, en phase avec les attentes des citoyens et à l’écoute de leurs doutes.