Le numérique peut-il sauver la démocratie ?

On ne compte plus les articles ou émissions qui interrogent le rapport des régimes politiques, et en particulier de la démocratie, avec le numérique. Les technologies sont simultanément perçues comme des vecteurs inédits de mobilisation et de participation active des citoyens mais aussi comme les bourreaux des libertés individuelles ou les causes du délitement du collectif. C’est à cette passionnante et constante tension que le sixième numéro de la revue Third entend s’intéresser.

Comment concilier les nouvelles technologies et la conception traditionnelle de la démocratie ? Les innovations numériques sont-elles des gadgets ou les témoins de mutations structurelles profondes ? Comment se forment les opinions et s’agence le débat public dans un espace public numérisé ? Faut-il réinventer nos institutions démocratiques pour tenir compte du numérique ?

Fidèle à sa philosophie de permettre à chaque lecteur de renforcer sa culture numérique, la revue Third abordera ces différentes interrogations et appréciera les mutations contemporaines de nos sociétés démocratiques, au-delà des discours catastrophistes ou angéliques.

Pour commencer, nous vous proposons l’analyse d’Henri Oberdorff (professeur agrégé de droit public, professeur émérite de l’Université de Grenoble-Alpes et auteur de « La Démocratie à l’ère numérique ») qui nous propose une analyse personnelle et globale de l’impact du numérique dans toutes les dimensions de la démocratie.

Cette première approche du sujet est suivie d’un passionnant entretien avec Nicolas Vanbremeersch (président de Spintank, administrateur de Renaissance Numérique et auteur du livre « De la démocratie numérique ») qui met en perspective les rapports complexes entre démocratie et numérique, ainsi que d’un article de Nicolas Baverez (avocat, essayiste et auteur du livre « Le monde selon Tocqueville ») qui détaille avec talent les faiblesses de la démocratie contemporaine et les défis que lui pose la révolution numérique, ce qui pourrait conduire à une refondation de ce système.

Suivent ensuite des propos sur la structure et l’organisation institutionnelle de la démocratie. C’est ainsi que Pauline Türk (professeure de droit public à l’université Côte d’Azur) partage sa perception de la redéfinition du rôle de l’État et du fonctionnement des institutions démocratiques avec la transition numérique. Katharina Zügel (co-directrice de Décider Ensemble et experte en participation citoyenne et gouvernement ouvert) se focalise quant à elle sur les collectivités territoriales et leur place dans la démocratie numérique.

Il nous était impossible d’étudier la démocratie sans évoquer la question du vote. Pour ce faire, Chloé Ridel (co-fondatrice de l’association Mieux Voter, directrice-adjointe de l’Institut Rousseau et haut fonctionnaire) présente la méthode du jugement majoritaire et sa capacité à permettre la réinvention de la démocratie. De son côté, Chantal EngueHard (maître de conférences en informatique à l’Université de Nantes et membre du LS2N et du laboratoire CNRS d’informatique) présente les différentes modalités techniques de vote électronique et les défis rencontrés, tant concernant le caractère secret du vote que du contrôle de la régularité de l’élection.

Si la transition numérique est décisive, on ne saurait l’accepter sans réserve et sans s’interroger sur ses défauts ou ses biais. Pour aller plus loin dans cet exercice de lucidité, Clément Mabi (maître de conférences à l’Université de Technologie de Compiègne et membre du laboratoire COSTECH) abordera la démocratie face aux ambivalences du numérique. Puis, au cours d’un échange très intéressant, Yaël Benayoun et Irénée Regnauld (auteurs du livre « Technologies partout, démocratie nulle part » et fondateurs du « Mouton Numérique ») soulignent les ambiguïtés de notre rapport collectif aux technologies ainsi que les dangers du numérique pour la démocratie.

Les réseaux sociaux sont souvent mis en avant comme le meilleur et le pire de ce que le numérique offre aux sociétés contemporaines. Aussi, le point de vue de Julien Boyadjian (maître de conférences en sciences politiques à Sciences Po Lille et chercheur au CERAPS-CNRS) sur l’analyse de l’opinion publique fondée sur l’étude des réseaux sociaux est capital pour mieux appréhender les enjeux contemporains de formation de l’opinion mais également du journalisme. Pour prendre un exemple concret, nous avons sollicité Sylvain Boulouque (historien, enseignant en temps partagé à l’INSPE et en lycée) pour qu’il analyse le rapport entre les gilets jaunes et les réseaux sociaux, mettant ainsi en lumière une nouvelle forme de mobilisation sociale grâce au numérique.

Enfin, Parallel Avocats prend le temps d’évaluer si le droit permet de favoriser un débat démocratique sain, en particulier en prenant l’exemple de la loi française contre les fake news et en appréciant cette tentative de régulation des outils numériques pour sécuriser la démocratie.