La participation publique a toujours désigné avant tout les dispositifs participatifs initiés par les autorités publiques : ces dernières invitent alors les citoyens à donner leur avis sur un thème précis d’action publique. Ce type d’initiative s’inscrit dans le cadre d’un processus décisionnel et vise à orienter les décisions publiques.
Cette définition de la participation publique est toutefois trop restreinte. Des acteurs de la société civile initient également des dispositifs participatifs pour accompagner leurs activités de mobilisation et d’influence : « La participation non initiée par les autorités publiques est lancée et organisée par des citoyens qui se mobilisent indépendamment des institutions formelles de la décision[1] ». Il peut s’agir de promoteurs privés, de groupes d’intérêt ou d’associations qui organisent de façon ponctuelle des forums publics. Par exemple, un promoteur immobilier organise des espaces de participation dans un quartier pour informer les résidents et les consulter sur un projet en cours de développement. Ce type de pratique est même encouragé par les autorités publiques qui voient dans les exercices participatifs des promoteurs une façon de mieux ancrer les projets dans la réalité des quartiers.
Il existe aussi des associations spécialisées dans ce type d’activités qui mettent en place un forum public de façon indépendante ou qui offrent des services de consultance en matière de design et d’organisation de forums de participation publique. On pense notamment à AmericaSpeaks aux États-Unis, à Involve en Grande-Bretagne et à l’Institut du Nouveau Monde au Québec. Il existe ainsi des espaces autonomes de débat public, employant des méthodologies semblables à celles des autorités publiques, ou les renouvelant, mais pour des fins différentes. Pour ces acteurs de la participation publique, le but ultime est d’influencer la décision publique mais aussi de mobiliser une communauté autour d’enjeux communs. En somme, les initiateurs du débat public sont des autorités publiques, mais aussi des acteurs privés et associatifs.
Cette diversification des activités de participation publique accompagne le développement d’une nouvelle expertise : la capacité de concevoir, d’organiser, de promouvoir, d’évaluer et d’expliquer au quotidien la participation publique. La participation publique s’est en fait professionnalisée rapidement dans les dernières décennies, comme en témoignent la création d’associations de professionnels comme l’International Association for Public Participation et les formations données dans les universités ou par des experts de la participation publique. Les initiateurs de débat public ont en effet recours à des professionnels de la participation publique qui ont développé une compétence unique dans le sillon de la reconnaissance progressive de la participation publique. Ces professionnels ont un rôle important dans la mise en oeuvre de la participation publique car ils sont en interaction avec tous les acteurs impliqués dans ce type de procédures (élus, fonctionnaires, citoyens, promoteurs publics ou privés) [2] . En somme, les professionnels de la participation sont au coeur de l’offre en matière participative et de sa transformation. « Tout en adoptant des démarches différentes, ces spécialistes de la participation contribuent à codifier ce champ d’activités, à en promouvoir la nécessité, à imposer l’idée selon laquelle ils réclament des savoir-faire et des instruments spécifiques »[3] .
S’intéresser aux acteurs qui initient et organisent la participation publique nous permet de mieux connaître les conditions de négociation du design participatif. La diversification des activités de participation publique révèle un portrait complexe du champ de la participation publique : des professionnels de la participation publique aux approches différentes collaborent à des dispositifs participatifs au design diversifié, initiés soit par des autorités publiques, soit par la société civile.
Ce cahier, qui débute par un exposé des diverses conceptions de la participation publique, dresse un portrait des acteurs concernés par ce milieu (Partie 1). Il traite des défis et des possibilités que représente la professionnalisation de la participation publique (Partie 2). Il se conclut par des recommandations pour favoriser l’élargissement de la participation publique en misant sur une approche participative, réflective, citoyenne et de développement des capacités.