La question posée par cette séance du séminaire « Concertation, décision et environnement » est celle de l’évaluation des dispositifs de concertation. Ils constituent autant de défis souvent périlleux et toujours plein d’aventure pour leurs animateurs, qu’ils soient par exemple élus, fonctionnaires ou consultants. Il s’agit en effet de concilier des attentes contradictoires dans un contexte en évolution permanente de grande complexité technique des dossiers, de divergences d’intérêts et d’opinions, et de recours à des langages contrastés. Parfois, à l’issue d’efforts méritoires, on réussit à dégager un point d’équilibre sur lequel tout le monde se retrouve à peu près, au moins pour un certain temps. Pour donner une image, l’animateur de la concertation est dans la position de quelqu’un qui positionne un clou sur un mur alors que plusieurs personnes tirent sur son bras dans des directions variées tout en lui donnant force conseils. À un moment, il arrive à stabiliser le clou un instant et si tout se passe bien le responsable politique est là pour donner le coup de marteau qui permet de consolider la situation : la concertation aboutit. Le problème est que parfois il n’y a personne pour donner le coup de marteau, ou que le clou
bouge au dernier moment si bien que le débat critique redémarre, remet tout en cause et empêche de clore le processus. On voit aussi à l’occasion le responsable
politique taper sur les doigts de l’animateur de la concertation, ou bien donner un coup de marteau avant de s’enfuir à toutes jambes pendant que le clou tombe du mur.
À partir de là, comment les chercheurs évaluent-ils la concertation ? Pour poursuivre dans les métaphores, on peut considérer que quelqu’un vient de réussir à mettre toutes ses affaires dans une valise après des efforts colossaux pour la fermer. Les chercheurs arrivent alors avec une demande toute simple : ils veulent évaluer l’emballage de la valise et en particulier vérifier que rien n’a été oublié… ce qui passe souvent par une réouverture de la valise. C’est une façon de voir le débat critique et évaluatif sur les dispositifs de concertation qui permet de comprendre d’emblée que cela puisse poser des problèmes et que les chercheurs ne soient pas forcément accueillis à bras ouverts. On constate effectivement qu’autant un chercheur est généralement bien venu quand il intervient comme consultant en amont et propose des outils méthodologiques, autant
l’ouverture d’un débat évaluatif aval sur ces dispositifs pose divers problèmes importants. Nous allons donc aujourd’hui, à partir de deux études de cas, nous interroger sur les grilles d’analyse que l’on peut développer et les arrière-plans théoriques que l’on peut mobiliser pour évaluer ex post des dispositifs participatifs, ainsi que sur les difficultés de relations avec les personnes qui ont conduit ces concertations.
Deux cas ont été étudiés lors de cette séance :
- Charte de la Dordogne, avec Patrick Moquay
- la concertation dans le domaine des déchets nucléaires avec Yannick Barthe