Monique Cassé

Itinéraire

Au début, j’ai fait de la concertation sans le savoir… Arrivée en 1994 dans un syndicat intercommunal du Golfe du Morbihan, je ne connaissais pas le territoire, j’étais seule et il m’a paru naturel d’aller à la rencontre des acteurs du territoire : les élus, les administrations, les professionnels, les associations, les habitants… Je me suis vite rendue compte de la complexité des problèmes et des contradictions entre les actions menées. Il m’est alors apparu indispensable de créer des lieux d’interconnaissance et d’échange. Ils étaient rares à cette époque. Les acteurs du territoire avaient le sentiment de subir les règlementations venues d’en haut. Ils souhaitaient reprendre la main et cela ne pouvait se faire que de façon collective.
Je n’avais pas de formation particulière en sociologie et j’ai travaillé de façon intuitive. J’avais peu de moyens mais j’étais assez libre dans mon travail. J’ai donné la priorité à la construction de relations de confiance entre les acteurs du territoire, je les ai invités à dépasser les effets de tribune et les revendications pour s’engager dans la co-construction d’objectifs communs et de projets partagés. J’ai mobilisé tout autant les individus et les petites structures que leurs organismes représentatifs. Ce parcours est fait de succès mais aussi de difficultés. J’ai été aidée par des chercheurs et d’autres praticiens. Leur regard m’a permis de prendre du recul sur ma pratique et de donner du sens à ce que je faisais. Je me suis rendue compte que cela ne relevait pas, comme j’avais tendance à le penser, d’un bricolage local, mais d’une pratique professionnelle spécifique.
Le syndicat intercommunal qui m’avait engagée est devenu le Parc naturel régional du Golfe du Morbihan. Nous avons créé de nombreuses scènes de dialogue, soit autour de dispositifs institutionnels à mettre en place, soit à partir de problèmes identifiés sur le terrain, comme les conflits d’usage. Aujourd’hui, la concertation est devenue la marque de fabrique du Parc. Il faut bien dire que désormais, nous ne savons plus faire de l’action publique sans les organisations du territoire, les acteurs locaux et les habitants…

Message

Le point faible de nombreuses concertations réside dans une articulation trop ténue, ou même impensée, entre concertation et décision. Aujourd’hui encore, trop souvent, des élus ou des agents de collectivités traitent les propositions issues d’une concertation de la même façon que celles que pourrait leur faire un prestataire : ils les regardent mais prennent les décisions ensuite sans s’en sentir redevables, en les considérant comme des informations comme les autres.
Leur culture est celle de l’expertise et de l’arbitrage politique. Ils sont loin de considérer la concertation comme une façon cohérente et légitime de produire de l’action publique. Ce comportement génère des frustrations et des désillusions chez les acteurs du territoire qui se sont investis dans les démarches participatives et qui ont tendance ensuite à rejeter en bloc tous les élus et les agents publics.
Pourtant, bien menée, la concertation conduit à des actions comprises et efficaces. Pour cela, elle doit se traduire effectivement dans la décision, jusque dans la mise en œuvre des projets et des programmes. Pour que cette vision des choses s’impose, il y a certainement d’énormes efforts à faire dans la formation des élus et des agents de collectivités.

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