Nathalie Coyan Parfait

Itinéraire

Ma carrière « politique » a débutée en 2008 à la ville de Rivière-Salée, où je suis la directrice de cabinet de André Lesueur, maire de cette commune du Sud qui compte 12 467 habitants. La fonction de directrice de cabinet est exclusivement politique. Mon « patron » a été élu président de l'Agglomération de l’Espace Sud en juillet 2020 et depuis octobre 2020, je suis également sa directrice de cabinet à l’agglo qui compte 12 communes et environ 115 000 habitants. Sur ces deux postes, et principalement le premier, j'ai été de plus en plus alertée par l'absence de prise en compte de la parole citoyenne dans le choix des projets pour le territoire. La démocratie représentative a, dans l’Hexagone comme en Martinique, le monopole de la prise de décision, écartant toute initiative participative. Cette absence d'horizontalité dans les prises de décisions est ancrée aussi dans l'organisation interne. Je suis convaincue que cela ne peut pas fonctionner s’il n'y a pas de culture participative en interne.
Pour pouvoir diffuser cette culture participative en interne et en externe, je me suis dit qu'il fallait que je me forme. En Martinique, les processus de démocratie participative sont peu connus, mal compris et par conséquent mal utilisés. Les personnes qui consentent à y participer se retrouvent devant des praticiens qui brandissent des outils de participation comme garant de leur compétence. Bien souvent, le sens de la démarche n’y est pas. Les participants ont finalement l’impression d’avoir perdu leur temps, malgré la convivialité du moment. Pourtant, je restais persuadée qu’un dispositif de démocratie participative c'est un contrat entre les citoyen.ne.s et les institutions, les incluant du début à la fin. J'ai donc appris à conceptualiser et à mettre en place des dispositifs en suivant la formation complète au CNFPT. Dans un deuxième temps j'ai eu envie d'apprendre à animer. En effet, on peut savoir élaborer un processus complet de démocratie participative sans savoir l’animer. Il s’agit de deux compétences différentes. J’ai donc passé une certification professionnelle de facilitatrice en intelligence collective qui m’a permis d’avoir vraie légitimité technique dans ce domaine. D'autant que je suis la seule en Martinique à avoir cette certification « officielle ». Sur la question de la légitimité, j'ai également été la facilitatrice principale lors de la conférence régionale sur l'avenir de l'Europe en septembre 2021 en Martinique, puis retenue parmi les 14 facilitateurs nationaux. Toutes ces valorisations professionnelles m’aident à ancrer cette méthodologie dans les projets que je pense déployer sur le territoire de l’agglo. L'agglomération est un établissement de projet, c’est le terreau idéal pour impulser la participation citoyenne sur un territoire. Mon parcours dans la participation est donc venu principalement d'une nécessité à sensibiliser les corps exécutifs, les administrations et les citoyen.ne.s, et maintenant, je me sens prête !

Message

Pour moi la participation citoyenne doit s'ancrer comme une philosophie de vie pour les praticiens. La question de la participation doit se poser dans chaque prise de décision : si je devais me poser cette question-là collectivement quelle serait la décision prise ?

Aujourd'hui je monte des dispositifs d’intelligence collective à destination des associations notamment, mais je sens que la crainte de la classe politique locale est toujours forte. Ma démarche est donc militante. J'ai monté une association " marketing territorial et démocratie locale" pour promouvoir les politiques publiques qui font confiance aux citoyens usagers. Le marketing territorial est un terme plus consensuel au sein des exécutifs, mais pour moi les deux ne sont pas dissociables. La concertation citoyenne est une vraie preuve de maturité de l'institution, toutes politiques publiques confondues.
C'est pour cela que le travail en interne me paraissait si primordial, car c'est une posture aussi. La posture de l'animateur ne se suffit pas à elle-même et le dispositif participatif doit incarner comme une vraie proposition pour les habitants. Des expériences de participation interne ont d’ores et déjà été menées avec certains services. Nous avons par exemple évalué ensemble la pertinence de certains projets avec les techniques participatives. Cela a très bien fonctionné.

Cette posture de partage de la décision est donc centrale, et c'est elle qui rend si incontournable la participation citoyenne. Cela permet, en plus, de mener ces démarches avec une authenticité et une franchise qui sont essentielles.

Le partage de la décision et la participation citoyenne ne sont pas des accessoires mais bien des modes de vie, on est dans un vrai militantisme, surtout quand la participation émerge sur le territoire.